Pitié-Salpêtrière : le scénario d’une « attaque » battu en brèche, Castaner vivement critiqué
Des dizaines de manifestants ont fait irruption dans l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière lors du défilé du 1er mai, un incident qualifié d' »attaque » par le ministre de l’Intérieur, dont la version a été battue en brèche jeudi par des témoignages et des vidéos visibles sur les réseaux sociaux, suscitant de vives critiques contre le gouvernement.
"On a attaqué un hôpital" et "agressé son personnel soignant", a tweeté Christophe Castaner mercredi.
La tentative de certaines personnes de pénétrer dans le service de réanimation chirurgicale, empêchée par les soignants, a cristallisé les critiques.
Le directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, Martin Hirsch, qui a annoncé vouloir déposer plainte, a souligné le caractère "particulièrement vulnérable" des patients pris en charge dans ce service et fait état d’images de vidéosurveillance "absolument édifiantes".
Mais depuis, la vidéo d’un des soignants du service de réanimation, relayée sur Facebook, est venue contredire la version d’une attaque et appuyer celle d’un mouvement de panique avancée par plusieurs témoins. Selon eux, des manifestants auraient pu chercher à se réfugier dans l’hôpital pour échapper aux charges de la police ou à l’air saturé de gaz lacrymogène.
Elle montre des manifestants fuyant vers des soignants postés sur une passerelle qui dessert la sortie de secours du service de réanimation, alors que des policiers entrent dans le site. Après s’être repliés dans le bâtiment, les soignants bloquent la porte tandis que les premiers manifestants arrivés sur la passerelle tirent sur la poignée.
Ils sont une vingtaine au total, parmi lesquels quelques "gilets jaunes", pour certains âgés, à qui les soignants expliquent pourquoi ils ne peuvent rentrer. Au bout d’une minute, des policiers arrivent sur la passerelle et commencent à les évacuer dans le calme.
"Il n’y avait rien de violent, en tout cas envers nous", a témoigné l’infirmier Jérôme Lecrecq. "C’était plus un état de panique, la peur de se faire taper, de recevoir quelque chose de la police, qu’une attaque".
Contactée par l’AFP, l’AP-HP a évoqué jeudi des "dégradations" et le vol d’un vidéoprojecteur commis dans d’autres services de La Pitié Salpêtrière, tout en précisant qu’"à ce stade aucun lien ne (pouvait) être fait" avec l’incident du 1er mai.
"Il n’y a pas eu de dégât dans la réanimation", a constaté sur place Agnès Buzyn.
Le parquet de Paris a indiqué en début de soirée jeudi que les 32 gardes à vue ordonnées dans le cadre de l’enquête sur cette intrusion avaient été levées. Les investigations se poursuivent "afin de faire la lumière sur toutes les circonstances de l’intrusion au sein de l’établissement", a ajouté le parquet.
"De l’huile sur le feu"
Si les réactions politiques se sont d’abord concentrées sur l’exaction supposée à La Pitié, la communication gouvernementale s’est depuis retrouvée au centre des critiques de l’opposition qui a accusé le ministre de mentir et lui a demandé de "s’expliquer".
"Le ministre de l’Intérieur doit cesser de mettre de l’huile sur le feu et doit maintenant s’expliquer sur ses déclarations démenties par les faits", a tweeté Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat.
"Monsieur Castaner est un menteur, en plus d’être un incompétent", a lancé à Marseille le chef de file des Insoumis Jean-Luc Mélenchon.
"S’il s’agit d’un mensonge délibéré, dans le seul et unique but de disqualifier et salir une mobilisation sociale, le ministre de l’Intérieur doit être démis de ses fonctions sans délai", a estimé Benoît Hamon (Génération.s).
Tête de liste des écologistes d’EELV aux élections européennes, Yannick Jadot a demandé une "commission d’enquête parlementaire" sur les incidents et accusé le ministre et le gouvernement de "souffler en permanence sur les braises de la violence".
Chez les syndicats de l’AP-HP, la CGT a dénoncé dans un communiqué "l’amalgame fait entre un groupe ultra-organisé et violent ("black blocs") et les 80.000 manifestants qui ont défilé pacifiquement à Paris", SUD fustigeant pour sa part le "plan de communication" du gouvernement et "l’attitude servile de la direction".
"L’enceinte de l’hôpital a été forcée. Des individus ont tenté de s’introduire dans un service de réanimation. C’est un incident très grave, ces faits sont inadmissibles", a maintenu jeudi l’entourage du ministre de l’Intérieur.