Une force arabe commune pour combattre Daech?
Au cœur du sommet de la ligue arabe de cette semaine au Caire, une idée qui commence à faire son chemin… Et si les pays arabes, notamment les plus influents d’entre eux, formaient une force commune arabe pour combattre Daech ? Sur le papier l’idée est séduisante. Elle est d’autant plus pertinente que les pays occidentaux, Américains et Européens, échaudées par les douloureuses expériences afghane et irakienne, refusent de déployer des forces terrestres en Irak ou en Syrie et sous-traitent aux Peshmergas kurdes la guerre physique contre les milices de l’Etat Islamique.
Par Mustapha Tossa
Le grand parrain de ce projet de force arabe commune est le président égyptien Abdelfatahh Sissi. Non content d’avoir bouté hors du pouvoir les frères musulmans, le président égyptien, à qui certains attribue le sobriquet, flatteur pour les uns, dégradant pour les autres, de "Poutine arabe", voudrait prendre la tête de cette guerre contre Deash, histoire de prévenir l’impact de la crise libyenne sur son pays. Cette idée, il l’avait proposée lors d’un voyage en Arabie Saoudite et compte la défendre devant les instances de la ligue arabe réunie au sommet sous sa présidence.
Abdelfathah Sissi avait déjà donné des signaux dans ce sens. Sa volonté de réarmer son pays comme le montrent la signature du grand contrat sur les avions Rafale français et son ouverture vers l’arsenal russe démontre une stratégie de vouloir jouer un rôle crucial dans la guerre contre Daech. La preuve que tout cet Arsenal est destiné à terrasser ou du moins à contenir la menace de l’organisation de "l’Etat Islamique", L’Egypte avec la Jordanie, font partie des rares pays arabes à entretenir des relations diplomatiques complètes avec Israel. Ahmed Ben Helli, le secrétaire général adjoint de la ligue arabe avait déjà eu l’occasion d’expliquer les finalités d’une telle force: "Nous avons besoin d’une telle force pour (…) aider en cas de catastrophe et de crise, et parer à toute menace visant la stabilité des pays de la région, surtout face à la montée du terrorisme qui menace les états et leur stabilité".
Peu d’observateurs parient sur la réalisation immédiate d’un tel projet. Non que sa faisabilité soit difficile à réaliser, Sissi semble proposer une force à dominance militaire égyptienne avec des financements des riches pays du Golfe, mais les motivations politiques des uns et des autres peuvent paraître comme d’incontournables freins à sa réalisation.
Les puissances du Golfe sont traversées par des intérêts contradictoires et des agendas croisés. Des ruptures et des divergences si profondes qu’une unité, même de façade sur le sujet , paraît illusoire. Le combat contre Daesh exige une grande clarification des postions. Les sympathies et les calculs des uns et des autres en facilitent pas le compromis autour . Et parmi ses urgentes clarification, le positionnement de certains pays du golfe qui ferment les yeux ou encouragent en douce l’aide et le financement de ces groupes terroristes parce qu’ils remplissent un rôle crucial dans le grand bras de fer historique qui les oppose au pouvoir iranien.
Mais la conjoncture qui empêche aujourd’hui la naissance d’un tel projet peut être influencée par deux facteurs décisifs qui peuvent changer la donne. Le premier est l’impasse du dialogue politique libyen qu’abritent actuellement et en alternance les pays du Maghreb. Il est vrai que l’Egypte a déjà tenté de porter la guerre au cœur du chaos libyen le 16 février dernier, mais sans grand succès et avec une désapprobation internationale et régionale qui a refroidi ses ardeurs militaires. Le second facteur est la recrudescence des attentats terroristes revendiqués par l’Etat Islamique comme celui commis contre le Musée du Bardo. Cette situation sécuritaire dégradée peut rendre indispensable une solution militaire à l’épineuse question de Daesh en rendre encore plus d’actualité la formation d’une force militaire arabe et internationale pour traiter ses aspects séculaires à la racine.
Devant ce qui s’apparente déjà à une impossibilité de former une telle structure arabe commune qui rappelle les vieux ressorts du nationalisme arabe porté en leur temps par des icônes comme Jamal Abdel Nasser, Hafed Al Assad, Saddam Hussein ou même Mouamar Khadafi, ce projet a été perçu par les détracteurs de Abdelfathah Sissi comme une grosse ficelle politique pour solliciter encore plus d’aide financière aux pays du golfe dont certains commencent à rechigner à payer la facture du coup d’état contre les frères musulmans en Egypte.
En prenant la présidence de la ligue arabe, Sissi pourrait être tenté par la volonté de communiquer politiquement sur une thématique qui mobilise parce qu’elle fait peur. En l’absence physique de la Syrie, et politique de l’Irak, les pays qui auront à évaluer la pertinence d’une telle initiative, sont les pays du golfe par ce qu’ils tiennent enfin de compte les cordons de la bourse et les pays du Maghreb qui peuvent en éclairer la pertinence. En tous cas même si elle ne parvient pas à une concrétisation, cette initiative sert à jeter une lumière crue sur les dangers qui menacent la stabilité de la région arabe et la nécessité de trouver un traitement politique et sécuritaire, sous peine d’être débordés par les événements.