Turquie: Bylock, la messagerie cryptée au coeur du putsch
Fonctionnaires, juges, militaires ou enseignants : un grand nombre de suspects ont été arrêtés depuis le putsch manqué en Turquie il y a un an pour avoir utilisé l’application de messagerie cryptée ByLock.
Cette semaine encore, les autorités judiciaires turques ont émis des mandats d’arrêt contre une centaine de journalistes et universitaires soupçonnés d’avoir utilisé ou téléchargé ByLock.
Alors quasi-inconnue, cette application de messagerie a été pointée du doigt par Ankara peu après le coup de force.
Un responsable turc avait affirmé à la presse deux semaines après le putsch manqué que les autorités avaient commencé à intercepter et décrypter dès mai 2015 les messages que s’envoyaient sur ByLock des partisans de M. Gülen, auto-exilé aux Etats-Unis.
Selon lui, cette surveillance a permis aux services de renseignement turc (MIT) de connaître les noms de 40.000 sympathisants du mouvement guléniste, dont 600 militaires de haut rang.
Ankara affirme que Bylock a été spécialement créé pour être l’outil de communication des réseaux gulénistes. Toute personne ayant utilisé, ou simplement téléchargé cette application, est susceptible d’être arrêtée pour appartenance au mouvement du prédicateur Gülen considéré comme une "organisation terroriste" par les autorités qui lui ont même trouvé un acronyme : FETÖ.
Parmi les personnes les plus connues arrêtées pour avoir utilisé ou téléchargé ByLock figurent notamment le président d’Amnesty en Turquie, Taner Kiliç, et un juge rattaché à l’ONU, Aydin Sefa Akay.
ByLock a été breveté au nom de David Keynes, un Américain d’origine turque qui a affirmé dans une interview au quotidien Hürriyet l’année dernière avoir étudié dans des écoles liées aux réseaux gulénistes avant de poursuivre des études universitaires aux Etats-Unis.
Il dément faire partie du mouvement guléniste, mais reconnaît avoir fréquenté des membres du réseau.
"90% des utilisateurs de l’application sont des Gulénistes. Elle est devenue un outil de communication pour eux", a-t-il affirmé dans l’interview.
Selon lui, l’application a été conçue par un développeur connu sous le surnom "Fox" et qui entretenait lui aussi des liens avec le mouvement guléniste. Les deux hommes ont partagé la même maison à Portland entre 2003 et 2004.
Mais le ministre turc des Sciences, de l’Industrie et de la Technologie Faruk Özlü avait affirmé en septembre dernier que l’application avait été développée par des anciens employés pro-Gülen de l’Agence nationale pour la science et les technologies (Tübitak).
Pour accéder à la messagerie, l’utilisateur doit télécharger un fichier en ligne, explique à l’AFP l’expert en cybersécurité Alper Basaran.
Les communications via ByLock — qu’il s’agisse de messages ou d’appels — ne peuvent se faire que si l’utilisateur connaît l’identifiant de son interlocuteur, contrairement aux autres messageries comme WhatsApp.
Selon les services de renseignement turcs, plus de 250.000 utilisateurs se servaient de ByLock avant le coup d’Etat manqué.