Trisomie 21: un nouveau dépistage fait polémique en France

Un nouveau dépistage de la trisomie 21 basé sur le repérage de l’ADN foetal dans le sang maternel fait polémique: certains experts applaudissent un progrès scientifique capable de limiter le nombre d’amniocentèses -une pratique dangereuse pour le foetus-, d’autres crient à la dérive eugénique. Une question sensible qui pourrait s’inviter lors de la 10e journée de la trisomie, organisée ce dimanche dans toute la France.

Les débats ont gagné en vigueur depuis que la Suisse a autorisé la commercialisation en août dernier de ce dépistage, disponible également en Allemagne et en Autriche, sous le nom de "PraenaTest". Son principe: une simple prise de sang de la mère permet de repérer des fragments d’ADN foetal dans le plasma sanguin et de savoir avec une quasi-certitude si le foetus est atteint du syndrome de Down, première cause de handicap mental.

A l’heure actuelle, en France, un dépistage de cette maladie est proposé à toutes les femmes enceintes au premier trimestre de leur grossesse et 80% d’entre elles s’y soumettent. Il associe prélèvements biologiques dans le sang et échographie. Les résultats obtenus, combinés à des critères comme l’âge de la mère, livrent une probabilité d’anomalie. Si cette probabilité est supérieur à 1 sur 250, une amniocentèse, c’est-à-dire un prélèvement de liquide amniotique, confirme ou infirme l’hypothèse, en fournissant un diagnostic fiable à 100%. Problème: cette ponction, invasive, provoque des fausses couches dans 1% des cas.

Le nombre d’amniocentèses divisé par dix

"Aujourd’hui, sur 20 femmes ‘à risque’ qui subissent une amniocentèse, 19 femmes sont prélevées pour rien et peuvent subir une fausse couche", observe le professeur Yves Ville, coordonnateur à l’hô pital Necker (Paris) des essais menés depuis un an en France sur le nouveau test. Selon le gynécologue-obstétricien, fervent défenseur de cette technique, le test interviendrait, dans le processus de dépistage, entre la première phase de tests -sanguin et échographique- et l’amniocentèse. Il aurait donc la vertu, en affinant considérablement la probabilité d’anomalies, de diviser par dix le nombre de ponctions pour les femmes dites à risque. L’amniocentèse resterait, insiste M. Ville, le seul vecteur final de diagnostic.

Mais la petite révolution scientifique n’est pas vu d’un très bon oeil par tous les médecins. Francis Puech, président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), redoute en particulier que le test soit proposé à terme à toutes les femmes. "Aujourd’hui, malgré les trois filtres avant le diagnostic, beaucoup d’éléments nous permettent de penser que les femmes ne sont pas bien informées" sur le handicap, note M. Puech. Ce qui conduit, regrette-t-il, à un taux d’avortement de 95% une fois le diagnostic posé. "Si une simple prise de sang donne lieu à la décision, ce taux va encore augmenter", pronostique-t-il. Le CNGOF a récemment saisi le comité consultatif national d’éthique (CCNE) sur la question.

L’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) aura la charge, à la fin des essais, de se prononcer sur cette technique. Le test étant déjà jugé réglementaire par Bruxelles, l’instance devra surtout décider s’il est remboursé par l’Assurance-maladie. Réponse dans quelques années.

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