Les passagers se pressant dans les gares et stations connaissaient un lundi noir surtout en région parisienne.
La SNCF indique assurer "entre 15 % à 20 %" de son trafic habituel, soit un TGV et un Transilien (RER SNCF et trains de banlieue) sur cinq, trois liaisons TER sur dix (essentiellement assurées par bus), un train Intercités sur cinq et un trafic international "très perturbé".
La RATP faisait état d’un trafic en région parisienne "extrêmement perturbé", avec neuf lignes de métro sur seize fermées lundi, et une circulation extrêmement réduite pour cinq autres. Suite à un "incident technique", le trafic était par ailleurs interrompu sur une partie de ligne 4 et ne devait reprendre qu’à 09H00. Et 7 des 25 "centres bus" de la RATP étaient bloqués lundi matin par des grévistes, seul un tiers des bus circulant en conséquence contre la moitié prévue dimanche soir par la régie autonome, a indiqué un porte-parole.
En conséquence, de nombreux usagers ont pris le volant: environ 620 kilomètres de bouchons étaient enregistrés lundi autour de 08H30 sur les routes d’Ile-de-France, selon le site d’information routière Sytadin.
Mettant en garde contre "un risque de saturation sur les gares et sur les quais", Agnès Ogier, directrice de la communication de la SNCF, a invité "tous ceux qui le peuvent à limiter leurs déplacements en train".
A la gare Montparnasse à Paris, les voyageurs s’agglutinaient devant l’entrée du métro, condamnée.
La gare Part-Dieu à Lyon restait inhabituellement calme: seuls deux TGV sont annoncés d’ici le milieu de matinée et la majorité des TER affichés sont assurés par des cars. A la gare Lille Flandres, Mehdi Oukaci, 20 ans, étudiant, redoute de louper un examen de comptabilité: "Je ne vois même pas mon train pour Arras… C’est leur droit de faire grève, mais ils nous coincent un peu".
Pour faciliter les trajets des Franciliens, les véhicules pratiquant le covoiturage (trois personnes au moins) étaient autorisés lundi à circuler sur les voies des bus et taxis sur les "grands axes qui arrivent sur Paris", mais pas dans la capitale, selon la ministre de la Transition écologique Elisabeth Borne.
Par où la sortie ?
Sous pression après un jeudi de mobilisation qui a jeté dans la rue plus de 800.000 manifestants, l’exécutif doit lever le voile sur une réforme des retraites encore floue.
Il défend un "système universel" par points censé remplacer à partir de 2025, ou un peu plus tard, les 42 régimes existants (général, des fonctionnaires, privés, spéciaux, autonomes, complémentaires) et être "plus juste", quand ses opposants redoutent une "précarisation" des pensionnés.
"Je suis rentré à la RATP pour le régime spécial, pas pour le plaisir de faire tchou tchou", réagissait lundi matin Rachid Baioui, 36 ans, conducteur de métro sur la ligne 9. A la station Mairie de Montreuil, plusieurs dizaines de conducteurs grévistes s’étaient rassemblés, huant leurs collègues non grévistes.
Lundi après-midi, le haut-commissaire aux Retraites Jean-Paul Delevoye et la ministre des Solidarités Agnès Buzyn reçoivent les partenaires sociaux afin de "tirer les conclusions" de la concertation relancée en septembre. Puis le Premier ministre présentera, mercredi, "l’intégralité du projet" de réforme.
Emmanuel Macron et Edouard Philippe, qui avaient convié les ministres les plus concernés par la réforme et les dirigeants de la majorité à un "déjeuner de calage" lundi à l’Elysée, les recevront finalement mardi soir.
Le secrétaire d’Etat aux Transports Jean-Baptiste Djebbari a dénoncé lundi la "désinformation" et les "manipulations, notamment de la part des oppositions politiques" sur le projet de réforme.
Ce plan porte "une ambition de sauvetage du système social français, et pas du tout de démantèlement comme cela a pu être caricaturé", affirme l’entourage du chef de l’Etat.
"On pourra apporter des réponses extrêmement positives pour beaucoup de gens qui subissent des injustices dans le système actuel: les femmes, les agriculteurs, et ceux qui ont des parcours hachés notamment", avait assuré dimanche Edouard Philippe.
"Nous tiendrons jusqu’au retrait" de la réforme, dans laquelle "il n’y a rien de bon", a toutefois prévenu le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez. "Je ne négocierai pas la mise en oeuvre de ce que je qualifie (de) monstre, (de) danger pour les retraites de demain", a abondé le numéro un de Force ouvrière, Yves Veyrier.
Le gouvernement devra en tout cas faire preuve de pédagogie pour répondre aux inquiétudes exprimées par de nombreuses professions appelées à se mobiliser à nouveau mardi. Parmi elles, les enseignants, qui craignent que leurs pensions baissent avec les nouvelles règles: pour l’éviter, le Premier ministre s’est déjà engagé à une "revalorisation progressive" de leur traitement.