Retraites/France : 8e jour de grève, le front syndical s’élargit contre le gouvernement

La mobilisation contre la réforme des retraites est entrée jeudi dans sa deuxième semaine et pourrait s’amplifier avec de nouvelles manifestations au lendemain de la présentation du projet par le Premier ministre qui, loin d’apaiser la colère, a fait basculer les syndicats réformistes dans le camp des opposants.

Fin des régimes spéciaux, "âge d’équilibre" à 64 ans, entrée dans le système à partir de la génération née en 1975… Edouard Philippe a détaillé mercredi le contenu du futur "système universel de retraite" par points, assurant que "tout le monde serait gagnant" avec cette réforme.

Mais sitôt le plan dévoilé, la fronde syndicale s’est élargie. La "ligne rouge est franchie", a tonné le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger, premier soutien d’un système universel par points mais hostile à un allongement de la durée de cotisation via la mise en place d’un "âge d’équilibre".

"Il y a de la place pour la négociation, que ce soit sur la pénibilité, que ce soit sur les modalités pour parvenir à l’équilibre", a toutefois souligné jeudi matin le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, alors que Laurent Berger a demandé au gouvernement de "revenir en arrière" sur "l’âge d’équilibre".

Le 17 décembre, "il n’y aura que le Medef qui ne sera pas en grève", a ironisé le numéro un de la CGT, Philippe Martinez. La CFDT, premier syndicat, a appelé ses adhérents à descendre dans la rue lors de cette prochaine grande mobilisation, mais pas avec l’intersyndicale CGT-FO-Solidaires-FSU.

FO souhaite aussi "renforcer la mobilisation" tandis que les transports restaient très perturbés jeudi avec déjà presque 400 kilomètres de bouchon avant 08H00 en Ile-de-France.

Dans les transports en commun, le trafic était quasi inchangé par rapport à mercredi: un TGV et un Transilien sur 4, 9 lignes du métro parisien fermées, la 11 uniquement jusqu’à 09H30. Seul 40 % des bus roulaient par ailleurs, contre 50 % attendus, en raison de blocages matinaux, selon la RATP.

"La situation est conforme à ce qui a été annoncé, sans blocage particulier. Le trafic est toujours aussi faible mais hier on a eu le taux de participation le plus bas depuis le début, on va attendre de voir celui d’aujourd’hui", a commenté pour sa part la SNCF.

Des manifestations et rassemblements locaux sont prévus de Toulouse à Paris, où un défilé doit partir de Nation.

"Je soutiens totalement le mouvement de grève", a réagi depuis la gare Saint-Charles à Marseille Arya, alors que son bus pour Nice en remplacement du train compte déjà deux heures de retard. "La retraite c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase, il y a tellement d’inégalités".

"Que ça réagisse, on le savait. Mais est-ce qu’on pouvait décemment présenter quelque chose sans parler d’équilibre financier ?", a commenté un membre du gouvernement.

Seul le Medef, via son président Geoffroy Roux de Bézieux, a salué "un bon équilibre entre une réforme qui est redistributive" et la nécessité "quand c’est possible" de "travailler plus longtemps".

Selon le plan dévoilé par Edouard Philippe, l’âge légal restera à 62 ans, avec "un âge d’équilibre" progressivement amené à 64 ans et "un système de bonus-malus" pour inciter à travailler plus longtemps et équilibrer les comptes du système.

Disparition des régimes spéciaux

Coup de pouce pour la retraite minimum, prise en compte étendue de la pénibilité, revalorisation pour les enseignants, bonus pour les familles nombreuses, mise en oeuvre seulement à partir de la génération 1975, gouvernance du système confiée aux syndicats et au patronat…

"La loi prévoira une règle d’or pour que la valeur du point acquis ne puisse pas baisser", a encore affirmé Edouard Philippe, répondant à l’une des principales inquiétudes.

La disparition des régimes spéciaux est confirmée mais, pour les fonctionnaires et les agents des régimes spéciaux dont l’âge légal de départ est de 52 ans, en particulier les conducteurs de la SNCF et de la RATP, la réforme s’appliquera à partir de la génération 1985 seulement.

Pour le Premier ministre, "les garanties données" justifient que la grève, "qui pénalise des millions de Français, s’arrête".

Le mécontentement déborde pourtant le secteur des transports. Le Conseil des barreaux votera des actions vendredi, et les principaux syndicats policiers menacent de "durcir" leur mobilisation. Les enseignants de la FSU ont appelé de leur côté à la reconduction du mouvement.

Dans les rangs politiques, les oppositions ont rejeté le projet, "injuste" pour Jean-Luc Mélenchon (LFI) et Yannick Jadot (EELV), "régressif" pour Olivier Faure (PS).

A droite, Guillaume Peltier (LR) a dénoncé "un enfumage", Marine Le Pen (RN) une réforme "terrible".

D’après le gouvernement, le projet de loi sera prêt à la fin de l’année, soumis au Conseil des ministres le 22 janvier et discuté au Parlement fin février.

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