Après une rencontre avec de jeunes chefs d’entreprises et la visite du marché de Cergy, où elle est accueillie comme aux plus belles heures de la présidentielle 2007 – "elle est belle !", "c’est la vraie ?", "une photo !" -, Royal tente vaguement d’affirmer que sa nouvelle situation ne change rien, et d’ailleurs, où est le problème ? pourrait-on se demander en l’entendant affirmer : "C’est bien que tout le monde soit sur le terrain, c’est parfait." La présidente de la région Poitou-Charentes se lance ensuite dans une audacieuse comparaison avec les primaires américaines, "notre modèle" : "Clinton et Obama ont fait des primaires, ensuite ils se sont rassemblés, puis ils ont gagné."
"Le clapotis des vagues"
Sauf qu’avant de s’installer à l’Élysée, le chemin est long. Et qu’en à peine deux semaines, la relation Aubry-Royal s’est sérieusement dégradée. Tout commence lorsque la première annonce, le 24 novembre, qu’un pacte de non-agression la lie à DSK et Royal pour 2012. La seconde nie immédiatement l’existence d’un tel accord. Cinq jours plus tard, sans admettre qu’il y ait un lien – mais sans convaincre l’entourage d’Aubry qu’il s’agit d’une coïncidence -, Royal déclare sa candidature aux primaires prévues à l’automne 2011 et jure avoir prévenu Martine Aubry… "C’est ce qu’elle dit", soupire la maire de Lille, qui, après dix jours de silence, lâche au Journal du dimanche ne pas vouloir se laisser "distraire par le clapotis des vagues". Elle en profite au passage pour observer : "La patience ne pousse pas dans tous les jardins." Suivez son regard, il lance des éclairs à Ségolène Royal.
C’est que Martine Aubry, que ce soit pour chauffer la place à DSK ou se préparer le meilleur terrain possible, a décidé d’attendre le mois de juin pour dévoiler ses intentions. La précipitation de Ségolène Royal contrarie forcément ses plans. Surtout que l’ex-rivale de Nicolas Sarkozy, rattrapée par sa nature, fonce tête baissée. Elle entame un "tour de France de l’intelligence des territoires" pour "donner la parole aux sans-voix" et surtout pour présenter les deux axes principaux de son programme : l’emploi des jeunes et la croissance verte.
"Nuances idéologiques"
Finalement, au sujet du duo qu’elle forme avec Martine Aubry, Royal emploie mercredi matin une formule aussi curieuse qu’éloquente : "Nous avons des nuances idéologiques qui tiennent à nos tempéraments." Quelques minutes plus tôt, cernée d’une nuée de caméras, appareils photo et autres micros, elle reprenait René Char, comme sur la scène du Zénith en septembre 2008, et lâchait : "Je suis critiquée, je suis dénigrée, mais j’avance. À me regarder, ils s’habitueront." De son côté, à La Courneuve, Aubry justifiait la discrétion de sa contre-initiative en disant : "Je ne supporte plus d’être séparée des gens par une forêt de caméras", rapporte Europe 1.
Les deux dames se retrouveront samedi, à la convention nationale du PS sur l’égalité réelle. Royal n’est pas inscrite au programme officiel du parti, ce qui ne l’empêche pas d’affirmer qu’elle s’exprimera "pour apporter un témoignage sur la lutte contre les discriminations". La perplexité pourrait alors gagner l’équipe de Martine Aubry.