Des manifestants, soutenus par des policiers mutinés, ont renversé mardi Mohamed Nasheed, premier président démocratiquement élu. Une poignée d’hommes ont envahi le musée et détruit ses oeuvres datant de l’époque précédant le developpement de l’islam sur cet archipel de l’océan Indien.
"Ils ont dans les faits effacé toutes les preuves de notre passé bouddhiste", soupire un responsable du musée dans la capitale Malé, désormais fermé au public. Par crainte pour sa sécurité, il demande à ne pas être nommé.
"Nous avons perdu toutes nos statues du 12ème siècle. Elles étaient en calcaire et corail. Elles sont très fragiles et ne peuvent pas être restaurées", dit-il. "J’ai pleuré lorsque j’ai entendu que cette vitrine entière avait disparu. Nous sommes de bons musulmans et ces statues faisaient simplement partie de notre histoire. Les exposer n’était pas contraire à l’islam".
Cinq personnes ont été arrêtées lorsqu’elles sont retournées sur les lieux le lendemain pour casser les caméras de sécurité, ajoute-t-il.
Les autorités ont interdit de prendre des photos des dégâts, conscientes que ce type de vandalisme nuit à l’image du pays.
Les portes du musée, un bâtiment de deux étages ouvert en 2010, portent des cadenas et un membre des forces de sécurité monte la garde, sans arme.
L’archipel aux près de 1.200 îles, destination touristique de luxe réputée pour ses lagons et ses plages de sable blanc, a attiré l’an dernier plus de 850.000 visiteurs, dont beaucoup de jeunes mariés. Le tourisme représente une manne vitale pour le pays.
Les contacts entre les touristes et la population sont réduits au minimum et la plupart des vacanciers sont transférés de l’aéroport international vers leurs hô tels de luxe, sur les innombrables petites îles.
L’archipel, qui compte quelque 350.000 habitants, a pour religion d’Etat l’islam sunnite. Toute autre religion y est proscrite.
La consommation d’alcool est interdite pour les Maldiviens et les femmes reconnues coupables de relations hors mariage courent le risque d’être fouettées.
L’apparition de l’islam sur l’archipel reste discutée mais les experts pensent qu’elle date du 12ème siècle, lorsqu’un roi bouddhiste s’est converti.
Le pays a longtemps pratiqué un islam modéré, mais des interprétations beaucoup plus radicales se sont répandues avec un afflux d’argent et de prêcheurs salafistes venus du Moyen-Orient.
En 2007, après un attentat à la bombe où 12 touristes avaient été blessés, le président de l’époque, Maumoon Abdul Gayoom, avait interdit le port du voile intégral par les Maldiviennes, comme preuve de sa volonté de combattre un islam radical.
Au musée national, un responsable a indiqué que des fondamentalistes avaient menacé à plusieurs reprises de s’en prendre au bâtiment si les oeuvres bouddhistes n’étaient pas retirées.
Le parti islamiste ultra-conservateur Adhaalath a condamné les destructions de mardi mais souligne être opposé à la décision de l’ancien président d’accepter trois oeuvres bouddhistes offertes en novembre par l’Inde, le Sri Lanka et le Pakistan.
"Notre constitution n’autorise pas les idoles et c’est pourquoi nous avons manifesté notre opposition à ces oeuvres", a déclaré le secrétaire général de la formation, Mohamed Muizzu.
Les trois oeuvres, exposées sur l’île de Addu (sud), ont toutes été vandalisées.
Adhaalath soutient le nouveau président, Mohamed Waheed, accusé par son prédécesseur de l’avoir évincé lors d’un coup d’Etat mardi. Le parti devrait rejoindre le nouveau gouvernement.
M. Waheed a qualifié "d’inacceptables" les destructions du musée et nié que son pays soit le théâtre de violences religieuses.
Mais pour l’ancien ministre des Affaires étrangères Ahmed Naseem, l’extrémisme prospère aux Maldives. "Nous venons d’avoir un coup d’Etat militaire appuyé par les extrémistes religieux", affirme-t-il.