Le Sénégal dans un climat politique tendu à la veille de l’élection présidentielle

L’actuel président Abdoulaye Wade, triomphalement élu en 2000 et réélu en 2007, se présente pour un nouveau mandat, suscitant une forte levée de bouclier de l’opposition qui n’a pas hésité à investir les rues à plusieurs reprises pour contester la recevabilité de cette candidature qu’elle estime "anticonstitutionnelle".

Vendredi dernier, alors que le Parti démocratique sénégalais (PDS au pouvoir) organisait un congrès d’investiture de Wade comme candidat à la prochaine élection présidentielle avec un grand meeting de sympathisants, les opposants du Mouvement des forces vives du 23 juin (M23), une coalition d’une soixantaine de partis et organisations de la société civile, se sont rassemblés par milliers sur une place de Dakar pour dire "Non à cette candidature".

Entre mouvance présidentielle et coalitions de l’opposition, c’est désormais le recours à la rue dans des démonstrations de force inquiétantes.

Tous les observateurs sénégalais sont unanimes sur le fait que l’année 2011 a été marquée par les évènements du 23 juin dernier. Pour la première fois depuis l’alternance au Sénégal en 2000 avec l’arrivée du président Abdoulaye Wade, un projet de loi portant modification du mode de scrutin a provoqué de violentes manifestations à l’appel de l’opposition.

Le projet de loi, contesté notamment pour sa clause permettant l’élection du Président au premier tour à 25 % des voix alors que la constitution prévoyait une majorité à 51 pc des voix, fut finalement retiré. Mais la tension persiste sur la question de la candidature de Wade pour un nouveau mandat. Mouvance présidentielle et opposition soutiennent, chacun de son côté, une interprétation particulière de la constitution.

La mouvance présidentielle, conduite par le PDS, soutient que le Président Wade a été élu sous l’ancienne constitution de 1963. Après une nouvelle constitution adoptée en 2001 et limitant les mandats présidentiels à deux, le premier mandat de Wade sous l’ancienne loi fondamentale ne compterait pas et le Président serait ainsi à son deuxième mandat lors de l’élection présidentielle de février prochain.

Du côté de l’opposition, le mouvement "M23" et la coalition d’une trentaine de partis baptisée "Bennoo Siggil Senegaal" (BSS), l’on réfute cette interprétation de la loi fondamentale du pays et l’on exige un attachement littéral aux termes de la constitution qui limite actuellement les mandats présidentiels à deux.

Chacune des deux parties a tenu à donner consistance à sa propre position en faisant appel à des juristes étrangers et des experts de renommée en droit constitutionnel. Cette guerre d’experts interposés tourne autour de deux principes de droit: "le principe de non-rétroactivité" est brandi par la mouvance présidentielle, alors que l’opposition maintient mordicus "le principe de l’application immédiate des dispositions des lois constitutionnelles".

D’autre part, malgré sa mobilisation contre la candidature de Wade, l’opposition sénégalaise n’a pas réussi sa bataille de l’unité à travers un candidat unique.

Début décembre, la coalition Benno a rendu public son échec à parvenir à un accord sur un candidat unique pour la trentaine de partis constituant ce groupement. La rivalité entre les deux partis les plus puissants de la coalition, Alliance des Forces Populaires (AFP) et le parti Socialiste (PS), ont finit par éclater ce groupement.

Moustapha Niass de l’AFP devra piloter une bonne partie des alliés de Benno alors que le PS a tenu à présenter son propre candidat, Ousmane Tanor Dieng. Même si le candidat de l’AFP a obtenu le vote de la majorité des partis de la coalition, le parti socialiste ne pouvait pas manquer de présenter un candidat, battu qu’il a été en 2000 après 40 ans au pouvoir.

Outre Me Wade et les deux candidats de Benno, plusieurs leaders de la politique sénégalaise se sont déclarés candidats pour la prochaine élection présidentielle. Il s’agit notamment des anciens premiers ministres Moustapha Niasse, Idrissa Seck et Macky Sall, et les ex-ministres des Affaires étrangères Cheikh Tidiane Gadio et Ibrahima Fall.

Vers la fin du mois de janvier prochain, le Conseil constitutionnel devra se prononcer sur la recevabilité des candidatures à ces élections. Une date redoutée au vu de la tension qui règne et les craintes de l’escalade.

Toutefois, le génie politique sénégalais et le flegme du peuple de la Teranga (hospitalité en Wolof) saura sans doute transcender les passions et préserver le principal atout du pays : sa stabilité.

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