Le Royaume-Uni mise gros sur le Maroc: un tournant historique
Le 1er juin 2025, David Lammy, le Secrétaire d’État britannique aux Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement, a effectué une visite officielle à Rabat, marquant un tournant dans les relations entre le Royaume-Uni et le Maroc.
Ce déplacement, effectué dans le contexte de la cinquième rencontre du Dialogue stratégique entre le Maroc et le Royaume-Uni, a renforcé une relation diplomatique longue de plusieurs siècles en signant des conventions économiques majeures tout en affichant une nouvelle stance sur la question du Sahara marocain.
Nasser Bourita, chef de la diplomatie marocaine, a accueilli David Lammy à Rabat. Les deux responsables ont conjointement dirigé la cinquième séance du Dialogue stratégique, un espace conçu pour renforcer les liens bilatéraux entre les deux royaumes. Durant cette réunion, le Royaume-Uni a formellement exprimé son appui au plan d’autonomie du Maroc pour le Sahara occidental, une décision que M. Bourita a qualifiée d’« historique ».
Selon M. Lammy, ce projet, proposé en 2007, constitue « la base la plus crédible, viable et pragmatique pour une solution durable au conflit ». Cette position représente un changement de cap dans la politique britannique, qui arborait auparavant une position de neutralité totale en soutien au processus onusien, en ce qu’il incluait la perspective d’un référendum, et en se contentant de saluer les efforts sérieux et crédibles du Maroc, sans jamais soutenir directement l’initiative marocaine. M. Bourita et M. Lammy sont par ailleurs convenus de détailler cette autonomie auprès des parties concernées.
Outre la reconnaissance implicite de la souveraineté marocaine sur le Sahara, le Royaume-Uni déclare que UK Export Finance (agence gouvernementale) « peut considérer de soutenir des projets au Sahara ».
Le lendemain, M. Lammy a eu une rencontre avec Fouzi Lekjaa, ministre délégué marocain en charge du Budget, à Salé. Ils ont signé un mémorandum d’entente (MoU) axé sur la collaboration en vue de la Coupe du Monde de la FIFA 2030, que le Maroc co-organisera aux côtés de l’Espagne et du Portugal. Cet accord met l’accent sur le développement des infrastructures sportives, du transport et de la gestion d’événements majeurs, proposant des opportunités significatives pour les entreprises britanniques. Ces réunions ont également contribué à intensifier la collaboration dans divers secteurs tels que la sécurité, la défense, la santé, l’éducation et la transition énergétique.
La visite a été ponctuée par la signature de plusieurs conventions économiques, renforçant le partenariat Maroc-Royaume-Uni et s’appuyant sur une relation commerciale en plein essor, dont le volume d’échanges a atteint 4,2 milliards de livres sterling en 2024, soit deux fois plus qu’en 2021, grâce à l’Accord d’Association UK-Maroc. Ces ententes englobent des domaines essentiels et ont pour but de générer des bénéfices mutuels, en particulier à travers d’importants investissements et opportunités pour les entreprises britanniques:
– Accord de partenariat pour la Coupe du Monde 2030 : Cet accord, signé entre le Département britannique du Commerce et le ministère marocain du Budget, soutient les projets d’infrastructure liés à la compétition, y compris les stades, les transports et la gestion des événements.
– Infrastructure portuaire et hydraulique : Un MoU entre le Département britannique du Commerce et le ministère marocain de l’Équipement et de l’Eau encourage la gestion durable de l’eau, les technologies vertes dans les ports ainsi que la logistique intelligente, avec un investissement prévu d’environ 200 millions de livres.
– Réforme du système de santé : Un MoU avec le ministère marocain de la Santé appuie les réformes visant à instaurer une couverture santé universelle, comprenant un projet d’hôpital à Casablanca (150 millions de livres) ainsi qu’un partenariat plus étendu évalué à plus de 2 milliards de livres.
– Collaboration sur les marchés publics : Ce MoU signé avec le ministère marocain de l’Industrie et du Commerce favorise l’accès des entreprises britanniques aux contrats publics au Maroc, notamment pour la réalisation du nouveau terminal de l’aéroport Mohamed V à Casablanca. Des opportunités évaluées à 33 milliards de livres sont attendues sur une période de trois ans.
– Accord de coopération sur le climat et les services environnementaux : Un protocole d’accord entre le UK Met Office et l’Administration générale de la météorologie du Maroc renforce la collaboration autour des services climatiques, soutenant les initiatives communes pour la transition énergétique et la gestion durable de l’eau en préparation de la COP30.
– Enseignement et recherche : Un protocole d’accord favorise la mobilité des étudiants et chercheurs, le financement conjoint de projets de recherche et l’implantation de campus universitaires britanniques au Maroc, tout en assurant une reconnaissance automatique des diplômes britanniques.
– Industrie et défense : Des MoU prévus entre l’association britannique ADS Group, la société britannique de défense et d’aérospatiale BAE Systems et l’Agence marocaine d’Investissement et d’Exportation ont pour objectif de consolider les relations dans le domaine de la défense, notamment à travers des investissements dans des projets industriels.
– Énergie durable : Un protocole d’accord entre le UK Export Finance et TAQA Maroc favorise la transition vers une production énergétique à faible émission.
Comme à son habitude après chaque soutien envers la position marocaine, le ministère algérien des Affaires étrangères a, quelques heures plus tard, émis un communiqué exprimant son regret face au soutien du Royaume-Uni au plan d’autonomie du Maroc. Dans son illusion perpétuelle, l’Algérie a ajouté que « le Royaume-Uni n’a ni mentionné, ni exprimé son appui à la prétendue souveraineté marocaine sur le territoire du Sahara ».
Avec l’appui grandissant de membres du Conseil de sécurité de l’ONU tels que les États-Unis, la France et maintenant le Royaume-Uni au plan marocain, l’Algérie se retrouve de plus en plus isolée sur ce dossier qui semble se clore de jour en jour.
De retour au Royaume Uni, David Lammy a pris la parole devant la Chambre des communes le 3 juin 2025 afin de réaffirmer les engagements pris lors de son déplacement. Il a réitéré l’appui du Royaume-Uni au plan d’autonomie marocain, le présentant comme une mesure « qui promeut la sécurité, la stabilité et la prospérité régionales ».
M. Lammy a mis l’accent sur la nécessité pressante de mettre fin à ce conflit qui, depuis près d’un demi-siècle, freine le développement économique et la stabilité régionale, touchant en particulier les réfugiés des camps de Tindouf. Il a aussi souligné les ententes économiques signées, en particulier celles concernant la Coupe du Monde 2030, la santé et les marchés publics, qui sont censées créer d’importantes possibilités pour les sociétés britanniques, avec des retombées évaluées à plusieurs milliards de livres.
M. Lammy a applaudi la détermination du Maroc à dialoguer sincèrement avec toutes les parties impliquées, sous la conduite du processus onusien mené par l’Envoyé personnel du Secrétaire général, Staffan de Mistura.
La visite de David Lammy a constitué un jalon déterminant pour les relations bilatérales tout en affichant un soutien explicite au projet d’autonomie du Maroc et signant des conventions économiques dans des domaines comme l’infrastructure, la santé, l’éducation et l’énergie. En dépit des tensions suscitées par l’Algérie, cette démarche illustre un désir partagé de promouvoir la stabilité, la prospérité et le développement durable.