«Le Monde» accuse l’Elysée d’espionnage dans l’affaire du ministre Woerth
L’Elysée a-t-il déclenché une enquête pour trouver qui a livré au Monde des informations sur l’affaire du ministre du Travail Eric Woerth? ‘Elysée dément « totalement », lundi 13 septembre, les affirmations du journal, qui l’accuse d’avoir violé les lois sur la presse en cherchant à identifier les sources d’un de ses journalistes qui travaillent sur l’affaire Woerth/Bettencourt
Le quotidien l’affirme dans son édition datée de mardi: «Afin d’identifier la source d’informations parues dans Le Monde sur l’affaire Woerth-Bettencourt, l’Elysée a eu recours, courant juillet, à des procédés qui enfreignent directement la loi sur la protection du secret des sources des journalistes.» Le Monde «a donc décidé de déposer une plainte contre X pour violation du secret des sources».
Sylvie Kauffmann, directrice de la rédaction du quotidien, s’est pourtant montrée affirmative ce lundi sur France Info: «Nous avons découvert que les services de contre-espionnage ont été mis a contribution pour identifier le ou la source de nos informations.» C’est un article du 18-19 juillet, intitulé en une «Le principal collaborateur de Liliane Bettencourt met Eric Woerth en difficulté», qui aurait «particulièrement irrité l’Elysée», poursuit-elle. L’article en question se fondait sur des extraits de procès-verbaux de la garde à vue de Patrice de Maistre.
Bernard Squarcini, le patron de la Direction centrale du renseignement intérieur, a confirmé au Nouvel Observateur qu’il y avait eu un «éclairage» de ses services sur le sujet, rapporte aussi Lenouvelobs.com.
Selon Le Monde, la taupe aurait été identifiée en la personne du magistrat David Sénat, conseiller pénal de la ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie. Il aurait été coincé au moyen de «discrètes expertises techniques» sur son «téléphone administratif».
Toujours selon les informations du Monde, la Direction centrale du renseignement intérieur s’est fait remettre par l’opérateur téléphonique le listing des communications du haut-fonctionnaire. «C’est à cette occasion que le nom de Gérard Davet, journaliste au Monde, est apparu.»
Quant à David Sénat, qui travaille avec MAM depuis 2003, il a soudainement quitté ses fonctions, comme en atteste un arrêté publié le 30 août. Il sera désormais chargé d’une mission de préparation de l’installation d’une cour d’appel située à… Cayenne, en Guyane. Interrogée par Lenouvelobs.com, la Chancellerie «continuait dimanche de le nier et d’affirmer que ses très soudaines et nouvelles fonctions (…) ne sont liées qu’à son désir de "retourner sur le terrain".»
PAS DE COMMENTAIRE À L’UMP
L’UMP (parti majoritaire) n’a pas souhaité commenter les affirmations du Monde. "On n’a pas l’habitude de commenter une action de justice en cours", a déclaré son porte-parole, Frédéric Lefebvre.
"En l’occurrence, a-t-il expliqué, dans cette affaire il faut se souvenir qu’il y a déjà une plainte pour viol du secret de l’enquête, et qu’une action en justice est déjà en cours. Il ne m’appartient pas de la commenter", a-t-il ajouté. Ce journal "dit ce qu’il veut, a-t-il ajouté, mais laissons la justice faire son travail et les Français jugeront ensuite".
"WOERTHGATE"
Benoît Hamon, porte-parole du Parti socialiste, a demandé que "toute la lumière soit faite" sur la "réalité" ou non d’écoutes téléphoniques au Monde dans le cadre de l’affaire Woerth/Bettencourt, qui auraient pu justifier la mise à l’écart d’un conseiller de Michèle Alliot-Marie, en l’occurence David Senat.
La députée PS Aurélie Filippetti évoque pour sa part "un Woerthgate". C’est "une atteinte insupportable à la protection des sources des journalistes. L’affaire Woerth-Bettencourt est de nouveau la cause d’une atteinte inacceptable à l’un des principes fondamentaux de la démocratie : la protection des sources de la presse", accuse la députée de la Moselle dans un communiqué.
Lors du débat sur la loi du 5 janvier 2010 sur la protection des sources des journalistes, "j’avais dénoncé un leurre et un dangereux risque de dérive. Force est de constater qu’en voici la preuve, avec un nouveau scandale digne du Watergate, que l’on pourrait surnommer le ‘Woerthgate’".
"Déjà la divulgation de PV tronqués d’auditions de témoins, en temps réel, à certains journaux amis avaient révélé combien l’Elysée était prêt à tout pour orchestrer la communication sur l’affaire. Désormais on connaît la sanction et l’étendue des moyens employés" pour préserver "la version officielle que veut faire accepter le pouvoir." Mme Filippetti estime que "l’Elysée doit aujourd’hui répondre de ces atteintes intolérables".