La classe politique algérienne à couteaux tirés sur l’option du cinquième mandat

Ce qui devait arriver arriva. Le Front de Libération Nationale (FLN au pouvoir) a officiellement appelé Abdelaziz Bouteflika, 82 ans, à briguer un cinquième mandat d’affilée lors de la Présidentielle de 2019, laissant la classe politique et tous les Algériens pantois, même si à vrai dire cette annonce n’a surpris personne.

«Nous appelons, nous au FLN, en mon nom, celui du gouvernement et celui du peuple, M. Abdelaziz Bouteflika, à briguer un nouveau mandat», a lâché le SG du FLN, Djamel Ould Abbès. Le FLN, qui a réuni pour la circonstance l’Etat-major composé de ministres, députés et autres, a justifié cet appel pour la continuité en se servant d’un argumentaire de campagne à savoir «le bilan du Président Bouteflika».

D’aucuns estiment, en effet, que cet appel à briguer un autre mandat de plus est un flagrant appel au meurtre, contre l’espoir de tout un peuple et d’une jeunesse désemparée. Ils expliquent que si cette candidature est ainsi annoncée par bribes, c’est d’abord par souci tactique : ne pas susciter une réaction massive et instantanée à ce énième coup de force contre le principe d’alternance.

D’ailleurs, les chefs de partis politiques d’opposition n’ont pas manqué de faire constater à ce propos que si, justement, l’argumentaire de campagne a précédé l’aveu de candidature, c’est parce qu’il y a quelque culpabilité à perpétuer un règne politiquement et économiquement désastreux. Pour eux, le bilan servira à introduire la candidature plutôt qu’à la légitimer, car, avancent-ils, «le pouvoir n’a jamais compté sur son bilan objectif pour durer, il a surtout compté sur le contrôle du vote et sur le rapport clientéliste qu’il a progressivement établi avec une classe politique et des corporations sensibles à la corruption légalisée».

Ils relèvent que l’appel est lancé au nom de la continuité qui sévit depuis dix-neuf ans, celle de la dilapidation des richesses, de la clochardisation de la société, des scandales financiers, du tabassage des médecins et de la corruption institutionnelle.

La Secrétaire générale du Parti des Travailleurs (PT), Louisa Hanoune, a appelé à cet égard le président de la République à organiser des élections pour une Assemblée nationale constituante, afin de trouver une sortie de crise pour le pays. «Je le dis et le répète. Soit on va vers une Assemblée nationale constituante, soit on va vers une révolution», a-t-elle lâché dans un message adressé directement au chef de l’État.

Mme Hanoune a, en effet, estimé que «la démocratie politique est en danger» et que seule cette assemblée pourrait réhabiliter la crédibilité des institutions, l’autonomie des syndicats et les espaces démocratiques pour que le peuple algérien exprime ses aspirations.

«Appeler à un cinquième mandat, c’est inéluctablement un appel à la révolte, car nul Algérien libre ne peut accepter cette humiliante marque de mépris», dira-t-elle depuis Djelfa où elle animait un meeting populaire.

Pour sa part, Said Sadi, l’ancien patron du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), avertit depuis Montréal où il était invité à une conférence dans le cadre de la troisième édition du Festival amazigh de Montréal, qu’«il ne faut pas se leurrer, sauf miracle, pourvu qu’il advienne. C’est parti pour un cinquième mandat».

Face à cette nouvelle mise en scène politique, partis politiques et simples citoyens algériens s’accordent donc à dire que ceux qui gouvernent le pays avec leur petite conscience, n’ont que faire des aspirations du peuple réduit aux volontés de ceux qui craignent de perdre le peu de choses dont ils disposent. Ils déplorent que dans une Algérie meurtrie, livrée à elle-même, au pillage organisé et à l’insatiable boulimie des hommes, incapable d’assurer ne serait-ce une vie digne ou le simple espoir à ses enfants, le pouvoir actuel, en appelant à un cinquième mandat, se livre à un véritable jeu de la mort.

Force est de constater que ni les mises en garde de l’opposition, ni les avertissements des experts, ni les plaintes des citoyens, ni les foyers de tension sociale qui se multiplient à travers le pays et dans tous les secteurs d’activité (…) n’ont pu convaincre, jusqu’ici, les tenants du pouvoir de l’urgence d’une solution politique à la crise politique qui sévit.

D’aucuns estiment que contrairement au tableau «à 90% positif» que brossent les flagorneurs de tous bords pour défendre l’option d’un cinquième mandat, le bilan des quatre mandatures qu’ils tentent de sublimer se passe pourtant de tout commentaire. Lorsqu’on n’a même pas pu assurer la disponibilité d’un sachet de lait, après avoir dépensé la bagatelle de 1 000 milliards de dollars, quel argument reste-t-il aux tenants du pouvoir pour plaider leur cause et convaincre le commun des citoyens de la nécessité d’un cinquième mandat ? ironisent-ils.

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