L’universalité des allocations familiales s’invite au grand débat: Buzyn intéressée
Faut-il priver d’allocations familiales les ménages les plus aisés et donner davantage aux plus modestes ? La question, surgie dimanche lors d’un débat dans les Yvelines, a suscité une réaction mesurée d’Agnès Buzyn.
Ce sont des citoyens anonymes qui ont abordé eux-mêmes cette question lors d’une déclinaison du grand débat national organisée à Trappes (Yvelines), en présence d’une petite centaine de personnes, dont la ministre.
Après plus d’une heure de travail en ateliers autour de thématiques telles que la fiscalité, la transition écologique ou la démocratie, l’une des rapportrices des tables rondes a déploré au micro que les familles avec un seul enfant, même modestes, n’aient pas droit aux allocations familiales, et souligné qu’à l’inverse, "les riches n’en ont pas besoin".
"C’est pas juste. Il faut redistribuer cet argent pour les gens dans le besoin", a estimé cette femme, résumant la position sur laquelle s’était entendu son groupe de travail.
Après avoir longuement écouté les suggestions des participants sur la prise en compte du vote blanc, les Ehpad ou la réduction du délai d’accès à certaines spécialités médicales, Mme Buzyn est revenue sur l’universalité des allocations familiales.
"Je ne sais pas trancher, je vous le dis, j’ai besoin d’avoir des citoyens devant moi qui disent +allez on prend le risque collectivement de faire de la redistribution+ ou +on garde un système très universaliste+", a-t-elle déclaré au micro.
"S’il y avait un référendum, ça serait pas mal comme question !", a-t-elle lancé.
La ministre a rappelé que le système avait déjà été réformé pendant le quinquennat de François Hollande: les ménages les plus aisés ont vu leurs allocations familiales non pas supprimées mais réduites.
"Un couple avec deux enfants qui gagne 8.000 euros par mois, donc aisé, très aisé, il touche 43 euros d’allocations familiales", avec deux enfants, a souligné la ministre. "Ca n’a pas de sens !" s’est-elle exclamée, précisant que 400 millions d’euros étaient ainsi distribués chaque année aux plus favorisés.
"Je comprends qu’on puisse continuer à s’interroger sur l’utilité de gagner quelques dizaines d’euros lorsque les revenus sont très importants", a ensuite assuré la ministre à l’AFP, soulignant qu’elle-même, mère de trois enfants, avait été dans ce cas.
"Je n’en ai pas besoin"
Cependant, indépendamment de son "opinion personnelle", cette question n’est "pas en débat" au sein du gouvernement, a-t-elle affirmé.
En mars dernier, une vive polémique avait éclaté: le député LREM Guillaume Chiche s’était attiré une volée de bois vert pour avoir proposé de remplacer le quotient familial – qui réduit l’impôt sur le revenu des familles – par des allocations versées à toutes les familles dès le premier enfant.
L’hypothèse avait été rapidement écartée par le gouvernement. Mais l’épisode avait illustré la difficulté de réformer la politique familiale, sujet qui déjà s’était révélé ultra-sensible pour la précédente majorité.
Au micro dimanche, Mme Buzyn a assuré que, dès son arrivée au ministère, elle avait voulu s’attaquer à ce chantier mais s’était heurtée aux objections de nombreux députés, notamment dans les rangs des Républicains. Pour eux, une telle réforme risquait de mettre à mal le consentement à l’impôt.
Ces élus "ne veulent absolument pas qu’on revienne sur cette idée que tout le monde doit récupérer une petite partie de ce qu’il a cotisé", a résumé la ministre.
"De toute façon les revenus les plus aisés bénéficient déjà du quotient familial (…) et quelque part cela compense ces quelques dizaines d’euros versés à certaines familles", a-t-elle précisé à l’AFP.
Dans l’assistance, un homme réclame le micro: "Je fais partie de ces gens qui ont la chance de bien gagner leur vie. Ces 43 euros, je trouve ça ridicule, je n’en ai pas besoin et j’aimerais beaucoup que ça soit redistribué à d’autres".
"Je ne suis pas d’accord !" s’exclament d’autres personnes, conduisant la ministre à sourire: "ce qui remonte du terrain n’est pas uniforme".