L’Etat américain sur le banc des accusés pour le sauvetage d’AIG en 2008

Nationalisation salutaire ou « exaction » ? La justice a commencé à se pencher lundi à Washington sur le sauvetage financier de l’assureur américain AIG en 2008, suite à une initiative de l’ancien PDG du groupe qui accuse l’Etat fédéral de spoliation.

Le coeur du procès, qui s’est ouvert pour six semaines à deux pas de la Maison Blanche et du Trésor américain, remonte à septembre 2008 et au pic de la crise financière qui a emporté la banque Lehman Brothers.

Au bord de la faillite, le géant de l’assurance AIG demande alors l’aide des autorités américaines. Pour tenter d’enrayer la panique financière, l’Etat fédéral se résout à lui accorder un prêt, qui finira par atteindre 182 milliards de dollars, mais s’empare, en contrepartie, de 79,9% de son capital.

C’est sur ce point précis que l’ancien PDG de l’assureur, Maurice Greenberg, s’est fondé pour porter plainte et ouvrir ce procès, qui devrait voir défiler à la barre l’ancien président de la Banque centrale américaine, Ben Bernanke, et deux ex-secrétaires au Trésor (Timothy Geithner et Henry Paulson).

L’enjeu financier n’est pas mince: les plaignants, regroupés derrière M. Greenberg, réclament quelque 40 milliards de dollars en réparation de la dépréciation de leurs actions.

"Il n’y avait aucune justification à l’appropriation des titres" d’AIG, a attaqué d’emblée son avocat, David Boies, accusant l’Etat d’"extorsion" et d’avoir "diabolisé" l’assureur en lui infligeant un traitement contraire à la Constitution.

Selon l’avocat, AIG est le seul groupe sauvé par les autorités pendant la crise à avoir dû céder la grande partie de son capital.

"Ils (l’Etat) avaient un prêt qui était totalement sécurisé. Ils avaient un prêt sur lequel ils ont imposé des taux d’intérêts usuraires (…) et il ont quand même été chercher 79,9% du capital détenu par les actionnaires", a-t-il accusé en présentant son argumentaire.

Le groupe, qui a aujourd’hui fini de rembourser l’Etat et a renoué avec les bénéfices, n’est pas associé à la plainte.

M. Boies a également soutenu qu’AIG avait été emporté par la crise non pas en émettant des crédits immobiliers à risque, les fameux "subprime", mais en se contentant de les assurer.

"Ils ont fait un exemple en punissant AIG alors qu’ils n’ont pas commercialisé de +subprime+", a affirmé l’avocat tout au long d’une intervention sans notes de 45 minutes.

– "Sauver le monde d’AIG" –

De l’autre côté de la barre, le représentant de l’Etat fédéral, Me Kenneth Dintzer, a tenté de battre l’ensemble de ces arguments en brèche.

Il a d’abord rappelé qu’AIG ne pouvait plus payer ses créditeurs en septembre 2008 et avait sollicité et approuvé à l’unanimité le plan de sauvetage de l’Etat fédéral.

Selon l’avocat, les autorités étaient forcées d’intervenir étant donné le poids de l’assureur et les risques que sa faillite "ne menace l’économie mondiale" dans son ensemble.

"Le but n’était pas de sauver AIG mais de sauver le monde d’AIG", a déclaré M. Dintzer, défendant la décision de s’emparer du capital du groupe, qui servait de "garanties collatérales" sur le prêt.

Selon l’avocat, cette clause permettait également de réduire "l’aléa moral", cette forme de garantie implicite de l’Etat dont bénéficient les grands groupes "trop importants pour faire faillite".

M. Dintzer a également récusé les accusations de spoliations, estimant que les actionnaires d’AIG avaient eu la chance de bénéficier de l’aide de l’Etat plutôt que de voir leurs actifs partir en fumée dans une faillite.

"Le prêt de l’Etat n’a pas affecté les actionnaires d’AIG. Aucun d’entre eux ne peut prétendre qu’il s’en serait mieux sorti sans l’intervention de l’Etat", a-t-il plaidé répétant à plusieurs reprises le même mantra: "20% de quelque chose vaut mieux que 100% de rien".

M. Greenberg a dirigé AIG pendant près de 40 ans et en a fait le numéro un mondial de l’assurance. Il a été poussé à la démission en 2005, dans la foulée d’une enquête liée à une fraude comptable pour laquelle il n’a finalement pas été condamné.

Lors du sauvetage, nombre d’actionnaires se sont retrouvés quasiment ruinés puisque leur part a été diluée et ils ont perdu entre 80 et 90% de leur investissement.

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