Irak : des élections législatives cruciales

Près de 24,5 millions d’inscrits devaient élire samedi 12 mai les 329 députés du futur Parlement, dans un climat de tension régionale.

Les Irakiens ont voté samedi pour décider si le Premier ministre Haider al-Abadi, parvenu en 2014 à son poste grâce un accord tacite entre les États-Unis et l’Iran, resterait aux manettes après l’avoir emporté sur les djihadistes, qui menaçaient l’existence du pays. À l’issue de ce vote qui s’est clôt sans incident majeur, la participation – qui doit être connue en soirée – semblait faible, à l’exception du Kurdistan et de la région de Mossoul, ancienne « capitale » du groupe État islamique (EI) dans le nord du pays. Près de 24,5 millions d’inscrits devaient élire les 329 députés du futur Parlement, dans un climat de tension régionale. Washington et Téhéran sont à nouveau à couteaux tirés après la décision du président américain Donald Trump de se retirer de l’accord nucléaire avec la République islamique.

Les votants affichaient leur désir de changement pour remettre sur pied le pays en lambeaux après trois ans de guerre contre l’EI. Quelle que soit leur confession ou leur province, nombre d’Irakiens affirmaient voter pour chasser les « requins de la corruption » alors que la tâche principale du nouveau Parlement sera de superviser la reconstruction du pays. L’Irak a obtenu en février 30 milliards de dollars d’engagements internationaux pour cet objectif, mais les Irakiens craignent que cet argent finisse dans les poches des politiciens.

« Faire cesser l’exode »

« J’ai voté pour un candidat qui ne s’est jamais présenté, j’espère que ces nouveaux répondront aux souhaits des Irakiens qui souffrent de la corruption depuis 15 ans », affirme Mohammed Jaafar, 80 ans, dans la province de Diwaniyah, au sud de Bagdad. À Mossoul, Omar Abed Mohammed, chômeur de 32 ans, a également voté « pour changer les visages de ceux qui ont conduit à la destruction du pays ». À Qaraqosh, ville chrétienne proche de Mossoul, les électeurs ont dit désirer la « stabilité » et surtout « faire cesser l’exode » des chrétiens dans une ville où seule une petite partie des 50 000 habitants sont revenus après trois années d’occupation djihadiste.

Dans la capitale, Sami Wadi, un retraité de 74 ans, a dit voter « pour sauver le pays du confessionnalisme et de la corruption ». Mais les politiciens ont la peau dure et pour ne pas être délogés, ils se sont inscrits en tête de liste. Les sièges sont attribués proportionnellement au nombre de voix et les candidats élus en fonction de leur position sur les 87 listes. Les premiers résultats devraient être connus au plus tôt mardi. Si la plupart des dirigeants ont voté dans la « zone verte », secteur ultra protégé de la capitale où ils résident, le Premier ministre s’est fait un point d’honneur de voter à Karrada, son quartier. Pour la première fois, les partis chiites se présentent en rangs dispersés en raison d’une lutte pour le pouvoir entre les hommes forts de cette communauté, majoritaire.

Face à Haider al-Abadi, se trouvent sur les rangs son prédécesseur Nouri al-Maliki – qui n’a pas digéré d’avoir été écarté en 2014 – et Hadi al-Ameri, un proche de l’Iran qui a même combattu sous son drapeau dans la guerre avec l’Irak (1980-1988). Ce dernier est à la tête d’une liste regroupant les anciens du Hachd al-Chaabi, ces supplétifs cruciaux pour chasser l’EI. Figurent aussi les listes des représentants de deux lignées de hauts dignitaires religieux : celle d’Ammar al-Hakim et celle du leader populiste Moqtada Sadr, qui a conclu une alliance inédite avec les communistes.

Un policier tué et cinq blessés

La parcellisation des chiites ne devrait toutefois pas changer l’équilibre des forces entre communautés, dans un système calibré pour qu’aucune formation ne soit en position dominante afin d’éviter le retour à la dictature. C’est au moment de la formation du gouvernement que l’Iran, avec les forces qui lui sont acquises, et les États-Unis, qui ont joué un rôle déterminant dans la lutte contre l’EI, devraient manœuvrer pour empêcher que l’Irak tombe dans le camp de l’autre. Autre nouveauté : les Kurdes risquent de perdre au moins une dizaine de sièges sur les 62 de la législature précédente et leur statut de faiseurs de rois.

En rétorsion au référendum d’indépendance de septembre, Bagdad leur a repris les zones disputées dont la province pétrolière de Kirkouk. Les dirigeants kurdes ont ainsi appelé à l’unité, sans laquelle « nous n’aboutirons à rien », a prévenu le Premier ministre du Kurdistan Netchirvan Barzani. Enfin la minorité sunnite, qui a dominé le pays jusqu’à la chute de Saddam Hussein il y a 15 ans, devrait rester marginalisée. Contrairement aux trois scrutins organisés depuis l’invasion emmenée par les Américains en 2003, cette campagne électorale n’a pas été accompagnée de violences malgré les menaces des djihadistes, très affaiblis.

Seul incident signalé, dans la province de Diyala, à l’est de Bagdad, un policier a été tué cinq autres ont été blessés, par la chute d’obus et de roquettes près d’un bureau de vote dans la localité d’Abou Sida", a indiqué à l’Agence France-Presse le général Mazhar al-Azzaoui, en charge des opérations dans la province.

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