A l’origine de cette décision, le témoignage d’un agent des services du renseignement des FIS, équivalent de la gendarmerie au Liban. Wissam Eid a été assassiné dans la banlieue de Beyrouth le 25 janvier 2008, mais avait eu le temps de transmettre un premier rapport à ses supérieurs. Il avait découvert qu’une équipe de tueurs, surnommée par les médias "l’escadron de la mort", suivait Rafic Hariri depuis plusieurs semaines. En retraçant les conversations téléphoniques avant l’attentat, il avait mis au jour quatre réseaux baptisés sobrement "rouge", "bleu", "jaune" et "rose". Le premier concerne les communications internes à l’équipe tandis que le dernier raccroche "l’escadron" à des contacts plus éloignés.
L’ONU n’aurait pas protégé ses sources
En explorant le réseau "rose", Wissam Eid a réussi à identifier certains membres de l’équipe mais aussi leur base arrière, à savoir l’hôpital Al-Rassoul al-Azzam, contrôlé par le Hezbollah. Ces pistes ont été transmises aux enquêteurs dans les premiers mois de l’année 2006. Quelques mois plus tard, le supérieur qui détenait les pièces à conviction a été grièvement blessé dans un attentat. Son transfert au Québec, qui lui a accordé le droit d’asile, lui a permis d’échapper à de nouvelles attaques.
Reste qu’à l’époque, la commission d’enquête des Nations unies, dirigée par le Belge Serge Brammetz, avait reçu les conclusions de l’investigation libanaise. Mais rien n’a été publié. Il faudra attendre l’arrivée, en 2008, du Canadien Daniel Bellemare pour faire bouger les choses. Ce dernier retrouve l’enquête de Wissam Eid, mais, à quelques semaines près, ne parvient pas à l’interroger, l’agent libanais ayant trouvé la mort dans une voiture piégée. Fin octobre, plusieurs témoins affirmaient, dans le documentaire de CBC News, que l’ONU n’avait pas assuré la protection de Wissam Eid perdant ainsi l’occasion d’établir la vérité.
L’ombre de l’Iran et de la Syrie
Le journal israélien Haaretz assurait, lui, que des écoutes téléphoniques avaient été perdues par les enquêteurs onusiens. Par ailleurs, un ordinateur et une clé USB ont été volés. Et les deux médias de conclure que le Hezbollah avait infiltré la commission internationale. Wissam al-Hassan, colonel dans les FIS, est alors clairement pointé comme la taupe de la formation extrémiste. Aussitôt, l’enquêteur en chef des Nations unies a diligenté une enquête discrète, selon le Washington Post, contre l’officier libanais. Selon Libération, "celle-ci n’a jamais abouti pour des raisons diplomatiques".
Le TSL se trouve en porte-à-faux, assurant connaître les exécutants du contrat qui pesait sur Rafic Hariri sans confirmer si leurs ordonnateurs seront révélés dans l’acte d’accusation. Dans l’ombre de ce dossier, les membres permanents du Conseil de sécurité soupçonnent une implication indirecte de la Syrie et de l’Iran. En tout cas, si la responsabilité du Hezbollah est confirmée, Damas et Téhéran ne pouvaient l’ignorer.