France: le pouvoir socialiste, déjà fragilisé, confronté à une motion de censure

Motion de censure de la droite et manifestations dans les rues: à l’approche de la présidentielle de 2017, le pouvoir socialiste français, déjà impopulaire, accentue sa fragilisation en imposant une réforme du droit du travail rejetée par une partie de son camp.

Faute de majorité, le gouvernement a annoncé mardi recourir à l’article 49-3 de la Constitution qui lui permet d’engager sa responsabilité et de faire adopter son texte sans vote. L’opposition a aussitôt déposé une motion de censure débattue ce jeudi avant d’être soumise aux voix des députés.

288 d’entre eux doivent l’approuver pour faire tomber le gouvernement, une perspective peu probable, les "frondeurs" socialistes et d’extrême gauche ayant annoncé ne pas vouloir se joindre à la droite.

Jugée trop libérale par ses détracteurs, la réforme du droit du travail "doit aboutir, parce que le pays doit avancer, parce que les relations salariales et les droits des salariés doivent progresser", s’est justifié le Premier ministre Manuel Valls.

Le texte du gouvernement, cible de manifestations jeudi en France et de nouvelles mobilisations syndicales annoncées pour les 17 et 19 mai, est contesté depuis deux mois dans la rue, parfois violemment.

Il vise, selon le gouvernement, à donner plus de souplesse aux entreprises pour lutter contre un chômage endémique (plus de 10%). Mais l’opposition de droite trouve la réforme trop timide quant à l’inverse les députés "frondeurs", des syndicats de salariés et de jeunes, l’accusent d’aggraver la précarité du monde du travail.

Minoritaire à l’Assemblée, la droite entend par sa motion de censure dénoncer "l’impasse dans laquelle (le président) François Hollande a mené (le) pays".

A deux voix près, les détracteurs du texte à gauche ont échoué à déposer leur propre motion de censure. Leur engagement et leur mobilisation témoignent cependant d’une fracture grandissante avec l’exécutif.

Manuel Valls reste pourtant confiant: il a dit "ne pas craindre" que son gouvernement puisse être renversé. "A chacun de prendre ses responsabilités. S’il y a des députés de gauche qui veulent voter la motion de censure de la droite, ils n’ont qu’à le faire", les a-t-il défié.

Ce psychodrame n’est que le dernier d’une longue série depuis le virage social-libéral entamé par le président Hollande à mi-mandat, puis son virage sécuritaire après les attentats jihadistes de novembre à Paris (130 morts).

Signe de la fébrilité du gouvernement, il est revenu sur l’une des mesures les plus controversées du projet. Les groupes souhaitant procéder à des licenciements économiques ne pourront pas arguer de difficultés dans leurs seules filiales françaises, comme initialement prévu. Les syndicats craignaient que certaines entreprises, bénéficiaires dans d’autres pays, organisent un déficit en France pour pouvoir licencier.

En revanche, comme souhaité par le patronat, l’aménagement du temps de travail pourra être négocié au sein de l’entreprise et non plus seulement au niveau de la branche professionnelle.

Les syndicats réformistes estiment avoir infléchi le texte dans le bon sens, mais les centrales contestataires ne désarment pas. Leur mobilisation a connu un pic le 31 mars avec 390.000 manifestants dans toute la France. Depuis les cortèges se sont réduits et radicalisés, avec plusieurs incidents violents faisant des blessés.

La contestation a aussi donné naissance à un mouvement social inédit, baptisé "Nuit Debout", qui occupe le soir la Place de la République, au coeur de Paris.

En dégainant l’arme du 49-3, déjà utilisée en 2015 pour une réforme portée par le ministre de l’Economie Emmanuel Macron mais rejetée par trois Français sur quatre, le gouvernement – déjà très impopulaire – prend le risque de froisser encore plus son propre camp.

Et cela, à un an de la présidentielle de 2017, alors que François Hollande reste englué dans une impopularité record.

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