France: début de la fin pour la centrale de Fessenheim samedi, après des années de remous
Après des années de débat qui ont fait de sa fermeture un serpent de mer de la vie politique française, le réacteur N°1 de la centrale nucléaire de Fessenheim doit être définitivement arrêté samedi, première étape sur le long chemin du démantèlement.
Mise en service en 1977, la doyenne des centrales françaises en activité aura connu six présidents de la République, dont François Hollande qui scella son sort en promettant sa fermeture dès 2011, mais aussi des grèves de la faim et d’innombrables manifestations d’opposants.
Ces dates ont été entérinées mercredi, avec la parution au Journal officiel d’un décret qui « abroge l’autorisation d’exploiter la centrale ».
L’arrêt en douceur du réacteur de 900 mégawatts (MW) à eau pressurisée commencera à 20H30 vendredi, selon une procédure identique à celle utilisée lors des phases de maintenance.
306,5°C
La température et la pression, qui atteignent 306,5°C et 155 bars à pleine puissance, baisseront progressivement et, lorsque le réacteur atteindra 8 % de sa puissance, il sera déconnecté du réseau électrique national, explique EDF.
Les élus locaux dénoncent, eux, un Etat incapable d’assurer la transition du territoire et prévoient de lancer samedi un SOS au président de la République.
Enjeu de la négociation entre les Verts et le PS pour la présidentielle de 2012, la fermeture de Fessenheim avait été annoncée après l’élection du président socialiste pour fin 2016. Puis elle avait été liée à la mise en service de l’EPR de Flamanville et repoussée à 2018, mais c’est à Emmanuel Macron qu’il revint finalement d’annoncer son arrêt définitif en 2020.
Des voix dénoncent à l’inverse l' »absurdité » de se priver de cette source d’énergie bas carbone alors que la France s’est fixé pour horizon la neutralité carbone en 2050.
« Le gouvernement se peint en vert mais s’attaque à l’énergie qui produit le moins de CO2 et de loin… pour ouvrir des centrales à gaz », a ainsi tweeté Marine Le Pen.
Dans un paysage français où les centrales nucléaires assurent 70 % de la production d’énergie – de loin la plus forte proportion au monde, avec le deuxième plus important parc nucléaire au monde derrière les Etats-Unis – un réacteur comme ceux de Fessenheim produit en moyenne chaque mois l’équivalent de la consommation de 400.000 foyers, selon EDF.
Douze réacteurs supplémentaires, sur les 58 que compte la France aujourd’hui, doivent être arrêtés d’ici 2035, sans toutefois entraîner de fermeture de centrale complète comme à Fessenheim.
« Toit en tôle »
« Cette centrale est grabataire, cette centrale est dangereuse, ça fait longtemps qu’elle aurait dû fermer ! », tempête le président de l’association Stop Fessenheim, André Hatz.
Pour autant, pas question de crier victoire samedi pour les anti-Fessenheim.
« C’est juste un point d’étape, il y a encore plein de dangers liés à la fermeture: pendant au moins trois ans, le combustible nucléaire restera stocké dans les piscines de décontamination, qui sont non-bunkérisées et dont les toitures sont un simple toit en tôle », pointe M. Hatz.
L’évacuation des combustibles usés devrait en effet intervenir d’ici à l’été 2023, puis le démantèlement à proprement parler durer jusqu’à 2040 au plus tôt.
« Le fonctionnement des centrales de la même génération et de la même technologie que celle de Fessenheim a été prolongé d’au moins dix ans », s’agace Raphaël Schellenberger, présidant une commission parlementaire de suivi de la fermeture de la centrale, qui estime « pas concevable d’arrêter aujourd’hui deux réacteurs nucléaires en très bon état ».