Débat en France après des propos violemment anti-immigration d’un polémiste

Un violent discours anti-immigration prononcé lors d’une "Convention de la droite" par le polémiste français Éric Zemmour, déjà condamné pour provocation à la haine religieuse, a relancé en France un débat sur les limites à la liberté d’expression, notamment au sein des rédactions qui l’emploient.

Le parquet de Paris a annoncé mardi l’ouverture d’une enquête pour "provocation publique à la discrimination, la haine ou la violence" après ces propos, intégralement retransmis par la chaîne LCI (groupe TF1). M. Zemmour avait été définitivement condamné mi-septembre pour provocation à la haine religieuse.

Dans ce discours, prononcé samedi lors d’une réunion organisée par les proches de l’ex-députée d’extrême droite Marion Maréchal, petite-fille du fondateur du Front national Jean-Marie Le Pen, le polémiste a fustigé l’"idéologie diversitaire" et la "guerre d’extermination de l’homme blanc hétérosexuel".

Il a également cité l’écrivain Renaud Camus, théoricien du "grand remplacement" de la population blanche et chrétienne par une population immigrée musulmane. Le suprémaciste blanc qui a tué en mars 51 personnes dans deux mosquées en Nouvelle-Zélande s’était référé à cette thèse.

Chroniqueur au Figaro Magazine, Éric Zemmour intervient également le vendredi sur la radio RTL et présente l’émission "Zemmour et Naulleau" sur Paris Première. En outre, selon certains médias, la chaîne CNews souhaiterait le recruter pour une émission quotidienne.

La direction de Paris Première a fait savoir qu’elle avait convoqué le polémiste mardi, "afin de revenir sur sa participation récente à des événements politiques et sur les propos particulièrement choquants et provocateurs".

"Il lui a été rappelé fermement les conditions de sa participation à l’émission +Zemmour et Naulleau+ avant la reprise de la nouvelle saison" ce mercredi, selon un communiqué.

Du côté du Figaro, après avoir été interpellé par la Société des journalistes (SDJ), le directeur de la rédaction Alexis Brezet a répondu que "les propos d’Éric Zemmour ne sont pas prononcés au nom du Figaro et n’engagent en rien" le journal.

"J’ai fait savoir ma réprobation à l’intéressé, et l’ai rappelé, au-delà du strict respect des lois, à la mesure qui s’impose dans l’exercice de sa liberté d’expression", a-t-il assuré à la SDJ qui s’est félicitée de cette "mise au point".

Contactés par l’AFP, ni RTL ni CNews n’ont donné suite.

– "Bon client" –

Dans un éditorial, le quotidien Le Monde a exhorté mercredi les médias à cesser de considérer Éric Zemmour comme un "bon client".

"Il doit être traité pour ce qu’il est: un délinquant et un pyromane", s’est indigné le journal, estimant qu’en "diffusant sans le moindre recul un discours hostile à la démocratie et d’inspiration fasciste", LCI s’est rendue "complice d’une démarche politique anti-républicaine".

Une analyse partagée par l’historien Gérard Noiriel, qui vient de publier "Le Venin dans la plume. Edouard Drumont, Eric Zemmour et la part sombre de la République" (Ed. La Découverte), essai qui dresse une comparaison entre Eric Zemmour et le journaliste qui a popularisé l’antisémitisme en France au 19e siècle avec son livre "La France juive".

"Drumont s’impose au moment où il y a un bouleversement dans l’histoire du journalisme avec l’invention des quotidiens de masse, les journaux se livrent une concurrence terrible et Drumont devient ce qu’on appelle le bon client, parce qu’il fait scandale. C’est pareil pour Zemmour, qui accède à la télévision au moment de l’irruption des chaînes d’info en continu et de la TNT", rappelle-t-il à l’AFP.

"On peut se demander s’il n’y a pas une partie de ces grands patrons de chaînes qui ont décidé de jouer la carte Fox News aux États-Unis, ceux qui ont fait Trump", avance-t-il, évoquant un "calcul stratégique pour sauver les meubles et faire prospérer les affaires" en anticipation d’une victoire électorale du Rassemblement National (extrême droite).

Le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), Roch-Olivier Maistre, a estimé lors d’une récente audition parlementaire que "la responsabilité première est celle des éditeurs" et que "si les expressions viennent violer les principes que les législateurs nous ont confiés, il y aura des sanctions".

Mercredi, Eric Zemmour n’avait toujours pas réagi à l’ouverture d’une enquête le concernant.

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