Contre le cancer, la médecine moins lourde progresse « doucement mais sûrement »

John Ryan est l’un des miraculés du centre anticancéreux de l’hôpital Johns Hopkins, à Baltimore. Un traitement lui a sauvé la vie depuis la découverte de son cancer du poumon: l’immunothérapie, un médicament efficace chez une minorité de patients mais qui est en plein essor.

Le témoignage de cet ancien spécialiste des réacteurs nucléaires militaires, qui fêtera ses 74 ans en juillet, illustre les promesses et les failles de l’immunothérapie, dans laquelle l’industrie pharmaceutique investit lourdement.

D’un côté, John a pu assister aux cérémonies de diplôme de trois de ses enfants et sera présent au mariage d’une de ses filles cet été alors qu’en juin 2013, les médecins lui donnaient 18 mois à vivre. "Je suis content d’être là pour voir ça", dit-il à l’AFP.

De l’autre, il a rencontré dans les salles d’attente de nombreux patients n’ayant pas eu sa chance. "En cinq ans, j’ai perdu beaucoup d’amis", regrette le retraité.

Il existe deux grandes catégories de médicaments contre le cancer.

La chimiothérapie qui, depuis des décennies, vise à tuer les tumeurs mais le produit est si toxique qu’il attaque également les cellules saines, provoquant de terribles effets secondaires: diarrhée, nausées, épuisement, perte de cheveux ou de poids… C’est ce qu’a reçu John Ryan en 2013, sans effet sur sa tumeur.

L’immunothérapie, elle, aide le système immunitaire à détecter et à tuer les cellules cancéreuses qui, autrement, lui sont souvent invisibles.

Epuisé par la chimiothérapie, perclus de douleurs, en chaise roulante, John Ryan est parvenu à participer fin 2013 à l’essai clinique d’un de ces médicaments, le nivolumab (marque Opdivo). Il se prend par intraveineuse à l’hôpital, toutes les deux semaines puis une fois par mois dans son cas.

Sa tumeur a rapidement disparu et, 104 injections plus tard, les effets secondaires se limitent à des démangeaisons.

"Je me farcis de l’immunothérapie et je vis bien, j’ai une super qualité de vie", raconte John, qui a retrouvé son poids normal.

Mais récemment, une masse est apparue dans son poumon droit, traitée par radiothérapie.

Certains vétérans de la lutte contre le cancer sont prudents, après avoir été déçus autrefois par de nouveaux traitements censés guérir le cancer.

Mais beaucoup considèrent l’immunothérapie comme un tournant. Ce qui explique que plus de 30 médicaments soient en développement, et 800 essais cliniques en cours, selon le décompte d’Otis Brawley, directeur médical de l’American Cancer Society.

Julie Brahmer, la cancérologue de John, traite environ un tiers de ses patients initialement par immunothérapie. L’hôpital accueille de nombreux essais cliniques donc ce chiffre n’est pas représentatif de l’ensemble des hôpitaux américains.

Les médecins sont très intrigués par la rémission exceptionnellement longue d’une minorité de patients, comme John: 10 à 15%, selon le directeur du centre, William Nelson. Les rémissions normales sont plutôt d’un an et demi à deux ans.

La chimiothérapie et la radiothérapie restent quoiqu’il arrive dominants.

Mais ces dernières années, plusieurs essais cliniques et études ont secoué le monde de la cancérologie, en montrant qu’il était possible de mieux traiter le cancer sans nécessairement avoir recours à ces traitements lourds.

Un exemple spectaculaire concerne la prostate. Les chercheurs se sont aperçus que les recommandations de dépistage élargi ont eu un effet pervers: trop de tumeurs qui ne se seraient jamais développées ont été opérées. Or une telle intervention peut provoquer incontinence et perte d’érection.

Pour le cancer du sein, une grande étude publiée en juin a stupéfait les médecins en montrant que pour des dizaines de milliers de femmes chaque année, la chimiothérapie n’était, en fait, pas nécessaire après la chirurgie. Un traitement hormonal seul est aussi efficace.

A cela s’ajoute les analyses génétiques de plus en plus précises et rapides des tumeurs des patients. Johns Hopkins a un laboratoire de génomique pour aider les médecins à personnaliser les traitements, au lieu d’appliquer un standard par organe.

"Nous avons de plus en plus d’outils qui nous permettent de dire, tel patient doit être traité, mais pas celui-ci. Nos recommandations sont meilleures", résume William Nelson.

Certains cancers restent en marge de toutes ces avancées, comme le cancer du cerveau.

Mais pour les cancers du sein, du colon et du rectum, de la prostate et du poumon, la recherche avance "doucement mais sûrement", conclut le docteur Nelson.

Le docteur Brahmer espère qu’un jour, le cancer du poumon métastatique sera traité comme "une maladie chronique".

John Ryan résume cela d’une formule: "Mon but est de mourir d’autre chose que d’un cancer du poumon".

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