Charles Saint-Prot: « Une connexion Polisario-Aqmi ne peut être exlue »
Condamné en juillet 2010 à 12 ans de prison par la justice mauritanienne pour l’enlèvement de trois Espagnols sur la route entre Nouakchott et Nouadhibou pour le compte d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), Omar le Sahraoui qui a été expulsé vers le Mali en échange de la libération des otages espagnols, le 23 août dernier, est un militant du Polisario. Son cas met en évidence le risque d’une connexion entre le Polisario et Aqmi. Entretien du Directeur de l’Observatoire d’Etudes Géopolitiques, le Pr Charles Saint-Prot, à Atlasinfo.
Charles Saint-Prot: Le Sahel est devenue une plaque tournante de toutes sortes de commerces criminels : contrebande (fuel, cigarettes, voitures volées, matières premières), traite humaine (candidats à l’immigration), trafic d’armes et de drogue. La présence d’un groupe paramilitaire comme le Polisario vient ajouter un risquer supplémentaire d’insécurité dans une région qui est la proie de la grande criminalité et au terrorisme. L’implication de certains membres du Polisario dans les trafics est fort probable compte tenu du fait que les bandes de cette organisation parcourent librement des territoires quasi désertiques des confins algéro-mauritaniens. De fait, le Polisario est en perte de vitesse. Il pourrait devenir une sorte d’électron libre échappant à tout contrôle. Du coup, son évolution pourrait suivre le processus qui a été celui des FARC colombiennes, lesquelles sont passées du marxisme –léninisme au banditisme et au narco-terrorisme. Dans la mesure où tous les trafics liés au grand banditisme sont connecté aux groupes terroristes qui s‘agitent au Sahel Plus inquiétant encore est le fait que tous les trafics liés au grand banditisme sont connecté aux groupes terroristes qui s‘agitent au Sahel, en particulier Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), ex-GSPC, ex-GIA algérien et d’ailleurs tout aussi nébuleux et louche que ces prédécesseurs, il est inévitable que des connexions s’établissent entre le Polisario et AQMI. Il convient de se souvenir des origines du Polisario, ses liens anciens avec les terroristes de l’ETA basque, ses actions terroristes (comme l’attaque d’un bateau espagnol en 1985). Le risque est que le Polisario revienne à son ancienne vocation terroriste. Or, ce risque a trouvé un début de consistance avec l’arrestation en janvier 2004 d’un certain Ould Mohammed Bakhili et de plusieurs autres agents du Polisario qui avaient volé d’énormes quantités d’explosifs et de matériel susceptible de servir à des attentats. Il est indéniable que le Polisario constitue désormais l’un des principaux facteurs de déstabilisation et d’insécurité dans cette partie de l’Afrique.
Charles Saint-Prot: Le cas d’Omar Sahraoui est particulièrement exemplaire de la dérive du Polisario. Le délitement de cette organisation qui n’a jamais été qu’une marionnette de l’Algérie pour une aventure sans issue, est incontestable. Toute une partie des miliciens les plus activistes et les plus violents qui végètent dans les camps de Tindouf, peuvent être tentés de rejoindre les rangs des groupes terroristes, C’est précisément ce qu’a fait Omar Sahraoui qui a reconnu devant le tribunal de Nouakchott, être un membre du Polisario et avoir servi de guide aux ravisseurs des otages européens. Les camps de Tindouf pourraient devenir le vivier des organisations terroristes qui sévissent dans la région. Ce risque peut d’autant moins être écarté qu’en refusant de négocier raisonnablement, le Polisario s’enferme dans une marginalisation qui le conduira inexorablement à des impasses qui ne feront qu’accentuer les tentations de fuite en avant.
Charles Saint-Prot: Une partie de la partie méridionale du Maghreb et le Sahel sont devenus une zone d’instabilité et d’agitation dangereuse pour les pays de la région et pour l’Europe. Si l’on veut éviter que le Sahel se transforme en nouvel Afghanistan ou en une nouvelle Somalie, il faut lutter avec la plus grande fermeté et sans aucune concession. A cet égard, la France doit coopérer largement avec les pays qui combattent le terrorisme sérieusement et sans ambiguïté, en particulier le Maroc. Il faut également apporter un soutien total à la Mauritanie qui manque de moyens.
Par ailleurs, il convient de ne pas négliger l’aspect politique du problème. Il est constant que le conflit entretenu sur le Sahara par le Polisario et son mentor contribue à accentuer les risques d’insécurité en venant se combiner aux nombreux facteurs de risques de la région sahélienne d’une situation régionale inquiétante. Dans ces conditions, une seule conclusion s’impose : il faut est urgent de tourner définitivement la page de ce conflit artificiel qui n’a que trop duré. La solution est simple, tout le monde la connait : c’est le désarmement du Polisario et un règlement fondé sur l’initiative d’autonomie proposée par le Maroc depuis 2007.
(Entretien réactualisé )