Canada: la justice invalide un accord avec les Etats-Unis sur les réfugiés

La Cour fédérale du Canada a invalidé mercredi un accord controversé passé avec les Etats-Unis, qui oblige les demandeurs d’asile qui tentent de franchir la frontière canadienne à demander d’abord l’asile sur le sol américain.

La cour a jugé que cette « Entente sur les tiers pays sûrs », un accord passé en 2004 et dénoncé par des associations de défense des réfugiés, violait la Charte canadienne des droits et libertés.

Cette charte prévoit notamment que « chacun à droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne », a rappelé la juge Ann Marie McDonald dans son jugement.

La cour a toutefois suspendu l’application de son jugement pendant six mois, afin de donner au Parlement le temps d’y répondre.

L’accord canado-américain stipule qu’une personne demandant l’asile doit déposer sa demande dans le premier pays où elle entre, soit le Canada soit les Etats-Unis.

Plusieurs associations de défense des réfugiés et l’opposition au gouvernement de Justin Trudeau l’ont dénoncé à plusieurs reprises. Elles estiment que les Etats-Unis de Donald Trump, qui ont durci les règles en matière d’asile, ne sont plus un « pays sûr » pour les réfugiés.

Le jugement cite notamment le cas d’une femme musulmane originaire d’Ethiopie, Nedira Mustefa, qui a été maintenue à l’isolement pendant une semaine dans un centre de détention américain après avoir été renvoyée par les autorités canadiennes. Elle a décrit l’expérience comme une épreuve « terrifiante » et « psychologiquement traumatisante ».

« Le Canada ne peut pas fermer les yeux sur les conséquences » de cet accord sur cette femme, écrit la juge. « Tout démontre de façon claire que ceux qui sont renvoyés aux Etats-Unis par les autorités canadiennes sont sanctionnés par une détention. »

Depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, des dizaines de milliers de personnes ont franchi la frontière américano-canadienne afin de déposer leur demande d’asile au Canada.

La Cour fédérale avait été saisie par plusieurs associations, dont Amnesty International.

« L’Entente sur les tiers pays sûrs est à l’origine de graves violations des droits humains depuis plusieurs années, confirmées sans équivoque dans cette décision », s’est félicitée France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnesty Canada francophone.

« Cela ne peut pas continuer un jour de plus, d’autant plus que la Covid-19 n’épargne pas les centres de détention de migrantes et migrants aux Etats-Unis », poursuit-elle dans un communiqué transmis à l’AFP. Elle demande en outre à Ottawa de « revenir sur sa décision de fermer la frontière aux demandeurs d’asile » en raison de la pandémie.

Une porte-parole du ministre fédéral de la Sécurité publique Bill Blair, a pour sa part indiqué que le gouvernement « évaluait » le jugement, rappelant qu’il n’entrerait pas en vigueur avant fin janvier 2021.

« L’accord sur les pays tiers sûrs reste en vigueur », a-t-elle commenté.

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