"Nous sommes venus de Menzel Bouzaiane, de Sidi Bouzib, de Regueb pour faire tomber les derniers restes de la dictature", a expliqué un vieil homme drapé dans un drapeau tunisien, Mohammed Layani, énumérant les principaux foyers de contestation du centre-ouest frondeur et déshérité, en première ligne lors de la "révolution du jasmin" qui a provoqué le 14 janvier la chute du président Zine El Abidine Ben Ali.
Arrivés dans le centre de Tunis vers 7h30, les manifestants ont remonté l’avenue Habib Bourguiba, artère centrale et symbolique de la ville où se déroulent des manifestations quotidiennes, avant de s’installer pour un sit-in devant le ministère de l’Intérieur, où ils ont déployé un vaste portrait de Mohammed Bouazizi. Ce jeune vendeur de fruits s’était immolé par le feu le 17 décembre à Sidi Bouzid, déclenchant les premiers mouvements de révolte qui allaient aboutir près d’un mois plus tard à la chute du régime. La rue tunisienne proteste quotidiennement contre la mainmise de caciques de l’ancien régime sur le gouvernement de transition formé lundi.
Ils étaient environ 300 au départ samedi matin de Menzel Bouzaiane, à 280 km au sud de la capitale, et en chemin, ils ont été rejoints par d’autres manifestants. Avant d’arriver en centre-ville, les manifestants étaient suivis d’un convoi hétéroclite de camions, voitures, motos, camionnettes. Cette manifestation, selon des témoignages, a été organisée de manière spontanée par des jeunes de la région. Des syndicalistes et des militants des droits de l’homme ont décidé de se joindre à leur mouvement..
L’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) a annoncé que les instituteurs allaient rejoindre la contestation par une grève illimitée jusqu’à "la dissolution du gouvernement", alors que la rentrée des classes dans les écoles primaires, fermées comme tous les établissements scolaires depuis le 10 janvier, doit avoir lieu lundi.
Pour sa part, le leader du mouvement islamiste interdit Ennahdha, en exil à Londres a dit espérer retourner "très bientôt" en Tunisie, dans un entretien à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel à paraître lundi. "Nous ne voulons pas d’un régime à parti unique, quel qu’il soit, ni instaurer la charia [loi islamique]. Ce dont la Tunisie a besoin aujourd’hui, c’est de liberté et (…) d’une véritable démocratie", a-t-il déclaré.
Par ailleurs, au Canada, une source gouvernementale a confirmé une information du Journal de Québec, selon laquelle un des frères de la femme de Ben Ali, son épouse, leurs deux enfants et leur gouvernante ont atterri vendredi matin, à bord d’un jet privé, à l’aéroport international de Montréal-Trudeau.