Bruxelles a proposé mercredi de renforcer le mandat d’Europol, l’agence européenne de coopération policière, pour lui permettre notamment d’émettre des alertes sur les « combattants étrangers » auprès des Etats membres, dans le cadre d’un nouvel agenda européen de lutte antiterroriste.
Ce programme, qui ne contient pas d’autre nouvelle proposition législative mais aborde un large éventail de sujets, est présenté à la suite des attentats en France et en Autriche, le jour même où Paris détaille son projet de loi controversé contre les « séparatismes » pour renforcer la lutte contre l’islamisme radical.
« La récente série d’attentats sur le sol européen est un brusque rappel que le terrorisme reste un danger bien réel », note la Commission européenne. « La menace jihadiste provenant ou inspirée par Daesh (le groupe jihadiste Etat islamique), Al-Qaïda et leurs filiales persiste », note l’exécutif européen, ajoutant que « les menaces des extrémistes violents de droite et de gauche sont en hausse ».
La Commission européenne a appelé à l’adoption rapide d’un règlement, proposé en 2018, destiné à obtenir de la part des plateformes internet le retrait dans l’heure des « contenus terroristes en ligne », toujours en négociations entre les eurodéputés et les représentants des Etats membres.
« C’est urgent », a souligné la commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson lors d’une conférence de presse. Elle s’est dite « optimiste » sur les chances de voir les négociations aboutir « avant Noël ».
Concernant Europol, l’exécutif européen veut permettre à cette agence, destinée à faciliter l’échange de renseignements entre polices nationales, de pouvoir entrer les informations dont elle dispose sur des « criminels et suspects » de pays tiers, notamment « les combattants terroristes étrangers », dans le Système d’information Schengen, un fichier européen.
Ces informations sous la forme d’alertes seraient accessibles en temps réel par les policiers sur le terrain dans les Etats membres.
Bruxelles veut aussi qu’Europol puisse « coopérer de manière efficace » avec les entreprises privées, en permettant à l’agence de recevoir des données personnelles de la part de ces dernières.
« Europol fait un grand travail. Nous leur donnons plus de possibilités pour aller au-delà de leur modèle actuel », a déclaré Margaritis Schinas, vice-président de la Commission chargé de la « promotion du mode de vie européen ».
La Commission souhaite aussi « accroître l’aide opérationnelle d’Europol au décryptage dans le plein respect du droit européen ».
Sur cette question sensible de l’accès des enquêteurs aux communications cryptées, l’exécutif européen prévoit de « travailler avec les Etats membres pour identifier de possibles solutions juridiques, opérationnelles et techniques », « en défendant une approche qui à la fois maintient l’efficacité du cryptage en protégeant la vie privée et la sécurité des communications, tout en fournissant une réponse efficace à la criminalité et au terrorisme ».
« Ce n’est pas une tâche aisée, c’est un équilibre à trouver », a prudemment commenté Ylva Johansson, précisant qu’il s’agissait d’une demande des Etats membres.
La réforme du mandat d’Europol va « dans le bon sens », a commenté l’eurodéputée française Fabienne Keller, de Renew Europe (centristes et libéraux), groupe qui veut faire de l’agence de coopération policière « le bras armé des États en matière de contre-terrorisme ».
Plus critique, l’eurodéputée belge Saskia Bricmont (Verts) a appelé à un « contrôle démocratique beaucoup plus important des activités » d’Europol pour « empêcher la surveillance massive des citoyen.ne.s et les violations des droits fondamentaux ».
Du côté du PPE (droite), l’eurodéputée française Agnès Evren a salué la volonté de la Commission d’établir un réseau d’enquêteurs financiers dans la lutte antiterroriste, impliquant Europol. « Nous devons pouvoir retracer et suivre les circuits financiers et identifier les personnes impliquées. Cela facilitera considérablement les enquêtes mais aussi les poursuites », a-t-elle souligné.