Algérie: peine alourdie pour Karim Tabbou, une figure du « Hirak »
Pendant la pandémie du nouveau coronavirus, la machine judiciaire continue de sévir en Algérie: Karim Tabbou, figure du mouvement de contestation, a été condamné mardi en appel à une peine alourdie d’un an de prison ferme, selon son avocat et une ONG.
M. Tabbou, un opposant politique de 46 ans, avait écopé le 11 mars d’une peine d’un an de prison, dont six mois ferme, pour « atteinte à l’intégrité du territoire national ». Il est l’un des visages et l’une des voix les plus connus du « Hirak », le mouvement de protestation antirégime qui secoue l’Algérie depuis plus d’un an.
« L’affaire n’était pas programmée jusqu’à hier. On a été prévenu ce matin. On est venu en courant », a raconté à l’AFP un des avocats présents mardi, Amine Sidhoum.
« On a exigé la présence de l’accusé qui avait eu une poussée de tension et était soigné à l’infirmerie du tribunal », a poursuivi Me Sidhoum.
« Le juge n’a rien voulu entendre et il s’est retiré pour délibérer. En sortant, il nous annonce un an de prison. Il a changé les six mois avec sursis du premier jugement en six mois ferme », a expliqué l’avocat.
« Abasourdi »
Dans un communiqué, Amnesty International a demandé aux autorités algériennes d' »annuler immédiatement la condamnation de Karim Tabbou et d’abandonner toutes les charges retenues contre lui. »
« La décision de justice rendue aujourd’hui envoie un message effrayant aux manifestants, y compris aux militants politiques et autres militants de la société civile. Toute personne qui ose s’opposer ou critiquer le gouvernement sera punie », a dénoncé la directrice de l’ONG pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, Heba Morayef.
M. Tabbou devait sortir de prison jeudi après avoir purgé sa peine mais le procureur a interjeté appel à une date non précisée. M. Tabbou avait également fait appel de sa peine, proclamant son innocence, selon Me Sidhoum.
« On est abasourdi de ce qui arrive, pas seulement à Karim Tabbou mais à la justice algérienne. Cela dépasse l’entendement. On est choqué », s’est insurgé Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH), interviewé par téléphone.
Dans un communiqué, la LADDH a dénoncé un « procès en catimini », estimant que « ce procès en deuxième instance a été programmé pour l’empêcher de quitter la prison. »
Report des procès
Le portrait de M. Tabbou –chef d’un petit parti d’opposition non enregistré, l’Union démocratique et sociale (UDS)– a souvent été brandi lors des manifestations hebdomadaires, jusqu’à leur récente interdiction pour juguler l’épidémie.
Placé en détention une première fois le 12 septembre 2019 après avoir été inculpé « d’atteinte au moral de l’armée », il avait été remis en liberté le 25 septembre.
Arrêté à nouveau dès le lendemain, il avait été inculpé cette fois d' »incitation à la violence » et une nouvelle fois incarcéré.
Durant son procès, Karim Tabbou a rejeté toutes les charges.
« Vu la situation liée au coronavirus le ministère de la Justice avait décidé le report des procès. Alors on ne comprend pas comment il a été programmé » mardi, a souligné M. Salhi.
Face à la propagation de la pandémie (19 morts et 264 cas confirmés officiellement), le ministère de la Justice a décidé la suspension de toutes les audiences des tribunaux criminels et correctionnels, à l’exception de celles déjà en cours pour des personnes en détention, qui se poursuivent à huis clos.