Algérie, l’après Bouteflika
Toutes les rédactions sont aux aguets. Le moindre urgent en provenance de l’Algérie provoque un grand frémissement. Le dernier qui annonçait une nouvelle hospitalisation du président Algérien Abdelaziz Bouteflika à Grenoble fut de cet acabit.
Bouteflika a marqué de son empreinte le cœur de la machine du pouvoir de l’Algérie indépendante. Mais peu a été écrit en Algérie ou ailleurs sur ce que sera le pays sans Bouteflika. En Algérie, on le comprend mieux. Le quatrième mandat d’Abdelaziz Bouteflika a été une douloureuse césarienne. Douloureuse parce qu’il fallait faire admettre la reconduction à son poste d’un homme manifestement et spectaculairement affaibli par la maladie. Douloureuse aussi parce que la machine qui gouverne l’Algérie s’est vite rendu compte que le semblant de stabilité du pays, le compromis chimérique qui empêche le retour des années de plomb, tient à cet homme, Abdelaziz Bouteflika, aussi faible soit-il. C’est dire à quel point la calme apparent n’est qu’un assemblage d’illusions.
Par Mustapha Tossa
Les plus optimistes pourront toujours dire que le président Bouteflika a été malade suffisamment longtemps pour laisser le temps aux différents clans qui gèrent le pays de parvenir à une entente sur une transition relativement douce et pacifiée…Cela est certes vrai …mais c’est sans compter avec le contexte politique explosif local et les appétits dissimulés des uns et des autres…La facture du quatrième mandat aura alors une lugubre tendance à se payer cash.
Cette Algérie post-Bouteflika sera lourdement scrutée par ses partenaires de la Méditerranée et du Maghreb. La France d’abord, physiquement loin mais politiquement au cœur du jeu politique algérien, Paris surveille comme le lait sur le feu la moindre manifestation de mauvaise humeur en Algérie. Bouteflika a choisi de se faire soigner sur son territoire. Une manière presque subliminale de souligner la permanence des liens et des intérêts des deux pays.
Cette Algérie sera aussi étroitement scrutée par ses voisins maghrébins. A l’Ouest, le voisin marocain qui espère qu’avec le crépuscule des années Bouteflika, c’est toute une vision agressive et militarisée de la région qui commencera son processus d’évaporation. Le conflit artificiel sur le Sahara coûte financièrement et politiquement cher aussi bien aux Algériens qu’aux Marocains. Il a été lourdement entretenu par cette Algérie de Bouteflika. A l’Est, la jeune démocratie tunisienne qui vient d’élire son Parlement et qui s’apprête à se choisir au suffrage universel son quatrième président de la république, aura des raisons de s’inquiéter. Les grandes menaces terroristes, notamment celle qui ont visé ses policiers et ses soldats, lui parviennent de sa frontière avec l’Algérie. Une éventuelle instabilité de pouvoir à Alger pourrait être source de grandes inquiétudes à Tunis.
Cette préoccupation sécuritaire est d’autant plus sérieuse que l’Algérie de Bouteflika a été très impliquée dans ce qui s’apparente à un "No Man’s land" politique sahélien dans lequel fleurissent des groupes armés, du style Daesh et AQMI qui développent une industrie de la terreur, de la contrebande et de la prise d’otages.
L’Algérie sans Bouteflika pourrait être source d’espoir pour les Algériens de retrouver une vie politique "normale". Mais elle est aussi source d’inquiétude que cette "normalité" soit impossible à trouver, menaçant de plonger le pays dans des affrontements politiques fratricides et la région dans un tourbillon d’insécurité et d’instabilité.