Afrique: le défi d’un développement sans perte de souveraineté (forum OCDE)

A l’aube de l’instauration d’une zone de libre-échange à l’échelle de l’Afrique prévue en 2019, les pays du continent font face à un défi: se développer sans perdre leur souveraineté.

"Nous avons besoin de 130 milliards de dollars en infrastructures par an", a expliqué Victor Harison, le commissaire aux affaires économiques de l’Union africaine (UA), lors d’un Forum sur l’Afrique organisé par l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économique), mercredi à Paris.

Les 100.000 km de lignes de chemins de fer africaines sont pour moitié vétustes, selon lui, et l’Afrique n’est dotée que de 50.000 km de routes praticables.

Des infrastructures qui ne garantissent pas les conditions nécessaires à un marché où marchandises, capitaux et hommes doivent pouvoir se déplacer librement.

Le commissaire de l’UA a appelé les investisseurs étrangers à placer leur argent en Afrique, mais a mis en garde sur la nécessité de conserver une souveraineté africaine.

"Aujourd’hui les projets énergétiques, d’infrastructures ou d’exploitation minière financés par des capitaux étrangers ne sont pas gagnant-gagnant", a-t-il expliqué à l’AFP. "Nous sommes victimes du syndrome hollandais, c’est-à-dire que certains pays sont très riches de ressources naturelles mais leur exploitation ne profite pas au pays."

Impossible cependant de se passer des capitaux étrangers qui constituent la première ressource, derrière la collecte d’impôts mais devant les aides au développement.

Le président du Ghana, Nana Addo Dankwa Akufo-Addo, a mis en évidence dans son discours d’introduction du Forum la complexité des procédures de financement avec l’Union européenne. En opposition avec d’autres investisseurs qui fonctionnent de manière beaucoup plus simple.

Beaucoup ont reconnu la Chine dans cette deuxième catégorie d’investisseurs.

"La Chine est un interlocuteur de premier ordre. Les taux de croissance élevés de l’Afrique ces dernières années sont liés à l’investissement chinois", explique à l’AFP Mario Pezzini, directeur du Centre de développement de l’OCDE.

Il note que la Chine en investissant dans l’économie africaine finance également des projets annexes comme des hôpitaux, des bâtiments publics ou d’autres infrastructures.

"La Chine investit 20 milliards de dollars dans des infrastructures africaines par an et je pense que c’est à nous de savoir comment défendre nos intérêts", estime Ibrahim Assane Mayaki, ancien Premier ministre nigérien, qui est à la tête de l’agence de développement de l’UA, le Nepad (Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique).

Au sein de cette organisation, il s’efforce de sécuriser, d’un point de vue juridique et en termes de garantie, les projets africains pour attirer des investisseurs.

Sécuriser les projets pour mieux négocier les contrats serait l’une des clefs du développement de l’Afrique, selon ces acteurs.

C’est ce qui a permis de trouver des financements pour des infrastructures transfrontalières comme le gazoduc trans-saharien devant relier l’Algérie au Nigeria, un projet relancé récemment, ou le développement de réseaux de télécommunication en fibre optique dans la même zone.

Des projets sécurisés permettront aussi de trouver des financements africains. "Seulement 1% des actifs sous gestion des fonds de pension ou des fonds souverains africains sont investis dans le domaine des infrastructures en Afrique. On ne peut pas les blâmer, ils ont besoin d’investir dans des placements présentant peu de risque", explique à l’AFP Ibrahim Assane Mayaki.

L’"agenda 5%" du Nepad devrait ramener 5% des investissements de ces fonds en Afrique, à condition "que nous réussissions à sécuriser les projets africains", précise le dirigeant du Nepad.

Le projet lancé en 2017 vise à réunir les investisseurs privés et publics afin de financer 51 programmes transfrontaliers et 400 projets prioritaires.

Victor Harison prévoit une augmentation des investissements africains dans les prochaines années. "Je sens que les puissances africaines ont la volonté de partager et d’aider les autres."

Une aide au développement intra-Afrique ? "Ce n’est pas pour demain mais on commence à mettre en place des outils pour", répond le commissaire.

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