Afrique: la France réforme son aide au développement face « à de nouveaux acteurs »
La France va réformer son aide au développement pour « proposer une autre voie » à ses partenaires en Afrique, face à de nouveaux acteurs comme la Chine, ont annoncé jeudi les ministres des Affaires étrangères et de l’Economie.
« Il n’est pas concevable de laisser les coudées franches aux nouveaux acteurs qu’on voit s’engager sur le terrain du développement », a déclaré le chef de la diplomatie Jean-Yves Le Drian, après avoir participé au tout premier conseil présidentiel consacré à l’aide au développement.
Ces nouveaux intervenants, parmi lesquels la Chine selon son collègue de l’Economie, ont « des méthodes et des intentions telles qu’il est essentiel qu’on soit au rendez-vous pour proposer une autre voie à nos partenaires », a souligné M. Le Drian.
La France s’inquiète également depuis quelque temps des stratégies d’influence menées par la Russie et la Turquie sur le continent africain.
M. Le Drian a rappelé que l’aide au développement française a atteint près de 11 milliards à la fin 2019, ce qui a permis à la France « de revenir dans le jeu après quelques années d’éclipse ». D’ici à 2022, elle sera portée à 0,55% de la richesse nationale, contre 0,44% actuellement, « un objectif tout à fait atteignable ».
Un projet de loi a été présenté mercredi pour « impulser un nouvel élan » à cette politique de développement, a indiqué M. Le Drian, soulignant qu’elle est « l’aboutissement de trois ans de travail », en concertation avec tous les acteurs de l’aide au développement, y compris les ONG et les parlementaires.
Ce texte marquera un « changement de braquet » en termes de volume d’aide mais « il ne s’agit pas uniquement de faire plus mais aussi de faire mieux », a dit le ministre.
Privilégier les dons
Pour les 19 pays prioritaires d’Afrique sub-saharienne, l’aide sera concentrée « sous forme de dons » et la France entend aussi mieux définir ses priorités thématiques, en investissant sur « l’avenir des biens publics mondiaux », comme la santé, la préservation du climat et de la biodiversité, l’éducation et l’égalité de genre.
M. Le Drian a annoncé un nouveau fonds d’innovation pour le développement qui sera financé par l’Etat et présidé par l’économiste Esther Duflo, et un « renouvellement de l’offre d’expertise à l’international » avec la mise à contribution des jeunes de la diaspora africaine.
Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a rappelé qu’après une croissance de 3% en 2019, les pays africains connaîtront une récession de 3% en moyenne en 2020 et, partant, une augmentation de la pauvreté.
« La récession aggrave l’endettement public de ces pays bien au-delà de leurs capacités de remboursement et de leurs capacités économiques », alors que « l’endettement (de ces pays) a triplé au cours de la dernière décennie ».
M. Le Maire a dit vouloir éviter de « revivre le début des années 2000 avec un surendettement, des difficultés économiques croissantes puis des limitations à la croissance économique mondiale ».
Il a justifié ainsi les décisions prises par la France comme la suspension du service de la dette pour les pays les plus pauvres, « un moratoire prolongé jusqu’à juin 2021 », qui a permis à des pays comme le Cameroun par exemple d’économiser « la moitié de son budget annuel de santé ».
L’autre grand changement de paradigme a été la mise en place d’un « cadre cohérent et soutenable de restructuration et d’allègement de la dette des pays les plus pauvres », auquel participent tous les pays du G20 ainsi que les créanciers privés. Et « pour la première fois la Chine y participe », ce qui est « une avancée positive et majeure », a estimé M. Le Maire.
La France voudrait aller plus loin et « développer une réflexion de long terme sur le financement des économies africaines », a dit M. Le Maire.
Un sommet international avec des dirigeants africains et des institutions financières sera organisé en France en mai avec l’idée d' »aboutir à des solutions très efficaces, rapides et mises en place sans délai ».