Enquête ouverte en France sur des accusations de viols sur mineurs contre des militaires français en Centrafrique
L’enquête a été ouverte à Paris en juillet 2014 pour viols sur mineurs de moins de 15 ans, selon une source judiciaire, sur la base d’un rapport transmis par le ministère de la Défense. Ce dernier a reconnu avoir été saisi à cette date "de témoignages d’enfants centrafricains accusant d’agressions sexuelles des militaires français de l’opération Sangaris".
Ces témoignages ont été recueillis par des personnels de l’ONU déployés en Centrafrique. Ils "retracent des faits qui auraient été commis sur une dizaine d’enfants, sur le site de l’aéroport de M’Poko (à Bangui), entre décembre 2013 et juin 2014", précise le ministère, qui "a pris et prendra toutes les mesures nécessaires pour permettre la manifestation de la vérité".
"Si les faits étaient avérés, il veillera à ce que les sanctions les plus fermes soient prononcées à l’égard des responsables de ce qui serait une atteinte intolérable aux valeurs du soldat", ajoute-t-il.
Depuis l’ouverture de l’enquête, la gendarmerie prévôtale, composée de militaires disposant de prérogatives judiciaires et placés sous le contrôle du procureur de la République de Paris, a effectué un déplacement en Centrafrique, selon une source judiciaire.
Selon la co-directrice de l’ONG américaine Aids-Free World, Paula Donovan, qui a communiqué le rapport au Guardian, le document rassemble les témoignages de six enfants âgés de 8 à 15 ans et implique une quinzaine de soldats français.
Ceux-ci auraient échangé de la nourriture, et parfois de petites sommes d’argent, contre des faveurs sexuelles.
"Les enfants ont témoigné qu’ils avaient faim et qu’ils pensaient pouvoir se procurer de la nourriture auprès des soldats", a expliqué à l’AFP Mme Donovan. La réponse des soldats était "si tu fais ça, alors je te donnerai à manger".
"Différents enfants ont employé un vocabulaire différent" dans leurs témoignages, a souligné Mme Donovan.
Enquête de l’ONU
Les Nations unies avaient ouvert une enquête au printemps 2014 et recueilli ces témoignages. Le responsable de l’ONU qui a transmis en juillet le rapport d’enquête aux autorités françaises, au mépris des procédures de l’organisation, a depuis été suspendu, a confirmé le porte-parole adjoint de l’ONU Farhan Haq.
Il s’agirait d’un cadre humanitaire suédois des Nations unies, Anders Kompass. Il aurait remis aux autorités françaises le rapport intitulé "Abus sexuels sur des enfants par les forces armées internationales" en réaction à l’inaction de l’ONU.
M. Kompass a été suspendu le 17 avril et fait l’objet d’une enquête des Nations unies, a indiqué mercredi le conseiller juridique du ministère suédois de la Justice, Anders Rönquist.
Paris a lancé en décembre 2013 l’opération Sangaris et déployé 2.000 militaires avec l’aval de l’ONU pour restaurer la sécurité en Centrafrique.
Il s’agissait de mettre fin aux massacres commis sur des civils tant par la rébellion Séléka (qui visait les chrétiens) que par les milices anti-bakala (qui s’en prenaient aux musulmans).
Les troupes françaises ont été appuyées par la force africaine (Misca), remplacée en septembre 2014 par la Minusca, la nouvelle force de l’ONU.
Selon les éléments du rapport cités par le "Guardian", certains des enfants auraient donné aux personnes qui ont recueilli leur témoignage une description précise de leurs agresseurs présumés.
L’Unicef, qui a pris part à l’enquête onusienne et a interrogé les enfants qui s’étaient plaints d’abus sexuels, les a ensuite "confiés à des ONG partenaires présentes sur le terrain pour qu’ils puissent recevoir un soutien psychologique", selon le porte-parole de l’Unicef basé à Dakar, Thierry Delvigne.