"Malgré le renforcement des contrôles (…), il s’agit de la troisième vidéo révélant de tels actes de cruauté envers les animaux", rappelle le ministre, qui souligne avoir demandé dès novembre aux préfets de "s’assurer de la prévention de tout acte de maltraitance lors de l’abattage".
Des images tournées en caméra cachée par L214 avaient déjà ces derniers mois révélé des mauvais traitements dans les abattoirs d’Alès et du Vigan (Gard), tous deux temporairement fermés après leur diffusion.
Cette fois, c’est l’abattoir intercommunal du Pays de Soule, à Mauléon-Licharre (Pyrénées-Atlantiques), qui a été épinglé par ces militants de la cause animale et aussitôt fermé "à titre conservatoire" par le maire de Mauléon. L’agrément du site pour l’abattage a également été suspendu par la préfecture.
L214 a déposé plainte auprès du procureur de la République de Pau pour "sévices graves ou actes de cruauté" envers des animaux, une infraction passible de deux ans d’emprisonnement. Le procureur Jean-Christophe Muller, également saisi par le préfet, a ouvert une enquête préliminaire qui a été confiée à la gendarmerie et à la brigade spécialisée en matière vétérinaire.
Animaux visiblement mal étourdis et brutalisés, moutons saignés alors qu’ils présentent encore des signes de conscience, voire agneau écartelé encore vivant, les deux vidéos publiées par l’association L214 sur son site internet (www.l214.com/) montrent des "pratiques intolérables" qui ont suscité "l’indignation" de Stéphane Le Foll, selon un communiqué du ministère de l’Agriculture.
Le ministre a donc ordonné mardi aux préfets de procéder d’ici un mois à des "inspections spécifiques sur la protection animale dans l’ensemble des abattoirs" du pays. "En cas de défaut avéré constaté à l’occasion de ces inspections", M. Le Foll demande "la suspension sans délai de l’agrément de ces établissements".
– Commission d’enquête parlementaire –
Les résultats des inspections seront notamment transmis à la commission d’enquête parlementaire "sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français", créée la semaine dernière en réponse aux scandales révélés par les vidéos de L214.
Pour l’initiateur de cette commission d’enquête, le député Olivier Falorni (groupe des radicaux de gauche), les images prises à Mauléon montrent des "actes de torture indignes d’une société civilisée". "Face à la multiplication des scandales, il est urgent de rendre plus transparentes les pratiques dans les abattoirs" et la commission d’enquête "devra faire toute la lumière sur ces agissements et des propositions afin de lutter contre la maltraitance animale", estime-t-il dans un communiqué.
Ces images ont choqué jusqu’au directeur de l’abattoir de Mauléon, Gérard Clémente, qui assure avoir mis tout en oeuvre, formation et équipement, pour instaurer des conditions d’abattage exemplaires. "Je suis dégoûté, c’est inadmissible", a déclaré à l’AFP M. Clémente, à la fois atterré et en colère, qui a reconnu dans les vidéos ses installations ainsi que deux employés, qu’il entend mettre à pied pour des actes "innommables".
Selon Sébastien Arsac, porte-parole de L214, les images ont été tournées en "une semaine" en caméra cachée, "environ deux semaines avant Pâques", période d’activité intensive dans les abattoirs.
Selon la Confédération paysanne du Pays basque "il s’agit encore une fois d’une attaque, par des méthodes peu scrupuleuses, contre les abattoirs de proximité, plus facilement infiltrables" alors que "l’opacité des grandes structures d’abattage est sans commune mesure avec l’exemple de ces petits abattoirs".
"Les campagnes anti-viande, qui se multiplient, font délibérément l’amalgame entre les méthodes industrielles, peu soucieuses du bien être animal, très préjudiciables à la qualité, à l’emploi et à l’environnement, et l’élevage paysan dont un élément fondateur est la relation éleveur-animal", ajoute le syndicat.
Au-delà des sanctions qui seront prises, "c’est une tache indélébile, pour l’abattoir, pour tout le monde", s’est désolé le directeur, rappelant que l’abattoir, qui emploie 37 personnes dont 13 abatteurs, avait de longue date investi dans des anesthésieurs électriques et qu’il travaille beaucoup avec des éleveurs bios, des petits producteurs, du circuit court.