Thé amer – Les morts ne votent pas

C’est l’histoire de ministres qui préfèrent rester dans leurs bureaux aux dorures toutes ministérielles, bien à l’abri, tout en haut de leur tour d’ivoire. L’histoire de membres d’un gouvernement qui préfère les success stories de capitaine d’industrie aux drames de populations sinistrées.

« C’est le destin !» Au parlement, le chef de gouvernement s’est fait fataliste pour clore le « dossier » des 37 morts pris aux pièges de crues meurtrières à Safi, dimanche. Parfois, le destin est bien commode pour ne pas avoir à expliquer et encore moins à s’expliquer.

A Fès, quelques jours auparavant, les 23 victimes de deux immeubles qui se sont effondrés comme un château de cartes n’ont pas eu droit à la même compassion, même feinte. Visiblement, deux étages non autorisés construits ne donnent pas droit à des condoléances gouvernementales.

Deux drames, deux tragédies et une même façon de réagir de l’Exécutif. A Fès et à Safi, personne au gouvernement n’a cru utile de se déplacer, d’aller au plus près des familles des victimes, des blessés, des rescapés, des meurtris, de ceux qui ont tout perdu. Aucun ministre n’a pris la peine d’aller à Fès et à Safi pour écouter, comprendre, expliquer, tout simplement compatir.

A Safi, les victimes du dérèglement climatique –même si cela n’explique pas l’étendue du drame, des pertes humaines et des dégâts matériels-  ne comprennent pas. Oui, les autorités locales ont été réactives. Oui, les équipes de secours ont secouru matin et soir. Oui, le parquet a ouvert une enquête. Mais qui a parlé à ces femmes et ces hommes qui ont perdu un proche, des enfants, leurs biens ? Qui a écouté ces familles qui ont le sentiment d’être abandonnées à la fatalité, comme le dit si mal M. Aziz Akhennouch ?

A Fès non plus, personne n’est venu. Pas le moindre ministre ou Secrétaire d’Etat. Comme si ce gouvernement ne voulait pas envoyer de mauvais signal en donnant l’impression de valider des contrevenants à la loi, même décédés sous les décombres.

A moins que pour se rendre à Fès ou à Safi, on attendait un signal, un ordre qui ne sont pas venus parce qu’ils n’ont pas à être donnés à un Exécutif politique, ayant obtenu une majorité confortable au Parlement et censé être porteur d’une vision politique de son action.

Au sein de ce gouvernement, on évite de frayer avec ceux qui n’ont rien, ceux qui se lèvent tôt, ceux qui ont froid ou meurent dans une catastrophe. Pas bon pour le rendu sur papier glacé. Chez ces gens-là de l’exécutif, on préfère donner de l’espoir en faisant des stories sur des palaces prêts à ouvrir leurs portes, couper des rubans et signer des conventions claironnantes de bonnes intentions.

Chez ces gens-là, on aime aussi serrer des mains et taper sur l’épaule en entrant comme une rock star- entouré de gardes du corps et de fidèles tellement heureux d’être sur la photo- dans un meeting pré-électoral, à Nador ou ailleurs.

Fès et Safi pleurent leurs disparus. Le gouvernement n’a d’yeux que pour le  powerpoint des réalisations et du bilan. Quelques mois à peine nous séparent du rendez-vous électoral. Et les morts ne votent pas. Enfin, plus maintenant…

 

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