Macron naturalise un migrant malien, des associations dénoncent une « récupération »
Un migrant malien sans papiers élevé au rang de héros en France après avoir sauvé un enfant, sera régularisé et naturalisé français, lui a annoncé lundi Emmanuel Macron, plusieurs associations françaises d’aide aux migrants fustigeant une « récupération » masquant mal « la dureté » de sa politique migratoire.
Lundi, il a été reçu par le président français sous les ors du palais de l’Elysée, où il a raconté au chef de l’Etat les circonstances de son acte de bravoure.
"Comme c’est un acte exceptionnel, tout ça, on le fera évidemment dès aujourd’hui: régulariser tous vos papiers et, si vous souhaitez, on va engager une procédure de naturalisation pour que vous puissiez devenir français", a déclaré le président.
Mais si les associations qui viennent en aide aux migrants en France se félicitent de l’avenir qui s’éclaircit désormais pour le jeune homme, elles n’en oublient pas pour autant le tour de vis lancé sur l’immigration par M. Macron, qui avait fixé le cap dès septembre en estimant que "nous reconduisons beaucoup trop peu".
L’acte "héroïque" du jeune migrant malien, arrivé en France l’année dernière après être notamment passé par la périlleuse route migratoire de la Libye, intervient dans un contexte tendu entourant la situation des sans-papiers en France, dont des milliers vivent dans des conditions inhumaines dans des campements, notamment à Paris.
Un projet de loi très contesté durcissant les conditions de l’immigration et de l’asile doit être définitivement adopté pendant l’été en France, en dépit d’une vive opposition, parfois même dans les rangs du parti présidentiel.
"On a un sentiment général de récupération politique éhontée" et "d’utilisation d’un fait divers pour faire de la communication et de l’affichage", a déclaré Jean-Claude Mas, le secrétaire général d’une de ces associations, la Cimade. "Cela pose beaucoup de questions quand on sait ce que fait ce gouvernement", a-t-il ajouté, rappelant le sort des sans-papiers "pourchassés, maintenus dans la précarité, non reconnus dans leurs droits".
"Il y a une part d’hypocrisie ou de cynisme", a réagi Claire Rodier (Groupe d’information et de soutien des immigrés), en dénonçant "le contraste avec la politique répressive menée par ce gouvernement sur les migrants et les sans-papiers".
Filmé par des passants, l’acte spontané de M. Gassama samedi à Paris a été vu des millions de fois sur les réseaux sociaux, lui valant le surnom de "Spiderman": on le voit escalader, à mains nues et en moins de trente secondes, la façade d’un immeuble parisien pour sauver un enfant de 4 ans suspendu à un balcon au 4e étage.
"Ca me fait plaisir parce que c’est la première fois (que je) gagne un trophée comme ça", a réagi Mamoudou Gassama après avoir reçu un diplôme et une médaille pour "acte de courage et de dévouement".
Dimanche soir, l’association SOS Racisme avait demandé sa régularisation et une pétition en ce sens avait recueilli plus de 5.000 signatures.
Les sapeurs-pompiers de Paris se sont dits lundi "prêts à accueillir" M. Gassama dans leurs rangs, assurant qu’il partageait les mêmes "valeurs".
L’enfant que le Malien a sauvé s’était retrouvé seul sur le balcon, car son père "était parti pour faire les courses", a expliqué le procureur de Paris, François Molins. Le père a été remis en liberté et sera jugé "en septembre" pour soustraction à des obligations parentales, une infraction passible de deux ans de prison.
L’enfant, dont la mère se trouvait à La Réunion, île française de l’océan Indien, au moment des faits, a été placé dans une structure d’accueil.
"En posant cet acte de bravoure", Mamoudou Gassama a "rejoint" Lassana Bathily, un demandeur d’asile malien qui avait fourni des éléments-clé aux forces de l’ordre lors de la prise d’otages d’un magasin en janvier 2015 à Paris. Il avait ensuite été naturalisé. Deux mois plus tard Armando Curri, un Albanais de 19 ans désigné meilleur apprenti menuisier de France, avait été régularisé in extremis pour aller chercher sa décoration au Sénat.
"A chaque fois, cela n’a pas déclenché un processus changeant le regard sur les sans-papiers", relève Claire Rodier.