« Des bras pour nos assiettes »: Le gouvernement français envoie les chômeurs partiels aux champs
Alors que la crise du coronavirus met des milliers de salariés au chômage partiel, le gouvernement a concocté dans l’urgence un plan pour faciliter l’emploi de milliers d’entre eux à la récolte des fruits et légumes, avec cumul des indemnités de chômage et d’un salaire agricole, afin de trouver « des bras pour nos assiettes ».
Mardi matin, le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume avait lancé « un appel à l’armée de l’ombre des hommes et des femmes » qui « n’ont plus d’activité » en raison de la crise du coronavirus, les invitant à « rejoindre la grande armée de l’agriculture française », en quête de main-d’oeuvre pour les récoltes de fruits et légumes ou les semis de printemps.
L’appel prend d’autant plus d’importance que depuis le début de la crise du coronavirus, le secteur de l’alimentation est devenu prioritaire derrière celui de la santé, pour nourrir les Français confinés chez eux.
« Je lance un grand appel aux femmes et aux hommes qui ne travaillent pas, qui sont confinés chez eux, qui sont serveur dans un restaurant, hôtesse d’accueil dans un hôtel, coiffeur de mon quartier, qui n’ont plus d’activité… Et je leur dis de rejoindre la grande armée de l’agriculture française, ceux qui vont nous permettre de nous nourrir de façon propre, saine », a-t-il déclaré, demandant à ceux qui le souhaitent d’aller « dans les champs ».
« Il faut produire pour nourrir les Français », a-t-il encore clamé en évoquant « un acte citoyen, civil ».
Les besoins ont été chiffrés par le principal syndicat patronal et salarié du secteur agricole, la FNSEA: 200.000 personnes sur les trois mois qui viennent.
« On a besoin de 50.000 personnes en mars, 80.000 en avril et 80.000 en mai », a détaillé la présidente de la FNSEA Christiane Lambert sur France Inter mardi soir.
Elle a incité tous les volontaires à s’inscrire sur le site www.desbraspourtonassiette.wizi.farm en lien avec Pôle emploi et l’Association nationale pour l’emploi et la formation en agriculture (Anefa).
12.400 inscriptions sur le site en une journée
« Il y avait auparavant des étrangers qui venaient pour cueillir dans les exploitations », a-t-elle dit. Beaucoup originaires de pays du Maghreb ou de pays de l’Est ne peuvent plus venir depuis la fermeture des frontières de la zone Schengen, « mais c’est une nécessité pour les agriculteurs » de récolter la production, a-t-elle dit. Le problème est similaire dans les agricultures d’autres pays de l’Union européenne.
« J’ai des collègues dans le Vaucluse qui ont jeté 10 tonnes d’asperges. Le pire serait de laisser les produits dans les champs faute de les récolter », a ajouté Mme Lambert.
Selon elle, dans la seule journée de mardi, « 12.400 personnes se sont manifestées sur le site wizi ».
Elle précise notamment avoir été contactée par des patrons dont le personnel est en chômage technique, qui seraient désireux de participer: « le patron de C&A m’a dit qu’il avait 1.400 salariés » dont certains voudraient « donner un coup de main ».
Mardi soir, trois ministères, ceux de l’Economie et des Finances, du Travail et de l’Agriculture ont publié un communiqué précisant les modalités selon lesquelles cette solution pourrait être mise en oeuvre.
Avant la fin de la semaine, un guide pratique sera diffusé offrant des solutions pour garantir un travail en sécurité contre la propagation du Covid-19, ont assuré les trois ministères.
Néanmoins, aucune obligation de test du Covid19 n’a été mentionnée.
En plus de l’initiative « des bras pour ton assiette », le ministère du Travail met en place avec Pôle emploi une plateforme dédiée.
Le salarié pourra « cumuler son indemnité d’activité partielle avec le salaire de son contrat de travail dans la filière agroalimentaire, sous réserve que son employeur initial lui donne son accord pour respecter un délai de prévenance de 7 jours avant la reprise du travail », assurent les trois ministères.
L’employeur de la filière agroalimentaire qui embauche le salarié en activité partielle devra libérer le salarié de ses obligations sous réserve du même délai de sept jours.
Enfin, les bénéficiaires du fonds de solidarité pour les très petites entreprises, indépendants, micro-entrepreneurs et professions libérales, pourront cumuler le versement par le fonds (1.500 euros début avril sur demande auprès du site des impôts) avec des contrats courts dans les entreprises agricoles et agroalimentaires.
Une salariée du secteur para-agricole, elle-même en chômage partiel et requérant l’anonymat, a trouvé mardi soir l’initiative « intéressante » au moment où il est nécessaire de se « serrer les coudes ». En se demandant néanmoins à qui cette initiative va profiter alors que les marchés de plein air viennent d’être fermés: « A l’industrie agroalimentaire et aux supermarchés plus qu’aux agriculteurs », a-t-elle fait valoir à l’AFP.