La présidente Sophie Clément annonce que l’on va parler des "revenus" et des "espèces". Dans ce dossier, les époux Balkany ont été condamnés en première instance pour n’avoir pas payé l’impôt sur la fortune (ISF) entre 2010 et 2015, et pour avoir déclaré des revenus amplement sous-évalués entre 2009 et 2014.
La magistrate commence par rappeler quelques chiffres, relevant qu’en 2012, les époux versent "196.293 euros de salaire" à leurs employés de maison alors qu’ils déclarent "un revenu de 127.866 euros".
Entre 2010 et 2013, le couple a retiré 51.850 euros en liquide et, durant la même période, a payé cash 87.000 euros de billets d’avion en "business class".
"Nos dépenses sont supérieures à nos revenus, c’est une évidence du Bon Dieu!", s’exclame, agacée, Isabelle Balkany, 72 ans, seule à la barre, en l’absence de son mari hospitalisé.
"Ce qui nous a permis de le faire c’est que maman est morte. J’ai eu 2 millions d’euros de capital (en 2008) et nous avons assumé notre train de vie avec ce capital" versé sur "mon compte BNP à Levallois", affirme-t-elle.
L’avocat du fisc fait remarquer que le problème ici n’est pas l’héritage arrivé légalement sur le compte de Mme Balkany, mais "les dépenses en espèces, sans qu’il y ait eu de retrait".
"Ah! Vous avez vraiment l’art de tout mélanger. C’est presque comique!", s’exclame la prévenue, qui a par ailleurs reconnu avoir perçu un héritage non déclaré en Suisse.
La tension monte dans la salle, où Isabelle Balkany multiplie les déclarations intempestives: contre le fisc ironiquement qualifié de "compagnon de vie" du couple, contre les "claviers venimeux" de la presse, contre ce "grand déballage" que lui impose la cour.
A bout, l’accusation réclame "un minimum de courtoisie" à l’audience. "Isabelle, asseyez-vous", finira par lui dire son avocat, après lui avoir suggéré de ranger son téléphone portable.
"deux pences dans un vieux flipper"
La présidente la ramène au cash: d’où vient-il? "Bon, je vais être claire. Patrick vous a parlé des lingots (qu’il dit avoir hérités de son père). Ma mère, jusqu’à sa mort, a continué à me donner de l’argent", "toujours en liquide", assure-t-elle.
Elle s’esclaffe en racontant la "chasse au magot" organisée en vain par le juge d’instruction dans sa résidence du moulin de Giverny (Eure) "avec 20 gendarmes et un chien renifleur" qui n’a trouvé que "deux pences dans un vieux flipper".
L’avocate générale résume: "Donc, les espèces étaient stockées quelque part avant d’être dépensées, car si elles avaient été versées sur un compte, on en aurait la trace, c’est ça?"
"Oui", soupire Isabelle Balkany, "ça s’appelle le syndrome du matelas".
"Je n’y peux rien si je suis née avec une cuillère en argent dans la bouche", enchaîne-t-elle. "Mon père a bossé toute sa vie, a gagné beaucoup d’argent. Le père de Patrick avait de l’argent en Suisse. Finalement, nous n’avons pas travaillé pour gagner de l’argent, nous l’avons fait pour nous mettre au service" d’une ville et de ses habitants.
Elle revient sur son absence au premier procès, après une absorption massive de médicaments: "J’ai craqué, ce n’était pas pour mourir, c’était pour que ça s’arrête. J’ai eu le sentiment que tout ce que nous avions fait a été bafoué".
La cour revient à "l’argent liquide" qui inonde le dossier. Isabelle Balkany reconnaît être allée de temps en temps changer des billets à l’Intermarché – "c’était pratique" -, mais dénonce les mensonges des témoins qu’elle dit motivés par l’amertume.
Les billets de 500 euros débordant du peignoir de Patrick Balkany ? Un mensonge d’une employée licenciée. Les billets oubliés dans un costume au pressing ? Une petite vengeance parce qu’elle boycottait l’établissement – "la dame du pressing m’avait foutu en l’air un blouson de mon petit-fils".
Les réquisitions sont attendues mercredi matin.