La faute ? Sans aucun doute à cette grande crise sociale que traverse la France depuis que Nicolas Sarkozy a inscrit en lettres de fer sa volonté de réformer le système des retraites et les lourdes résistances qu’il a réveillées. Ségolène Royal semble profiter de cette crise pour faire entendre une petite musique originale différente de l’expression retenue par l’appareil et contrainte par des promesses d’alternance que s’est imposée la hiérarchie socialiste. Il faut reconnaître à Ségolène Royal un sens opportun de la renaissance. Elle avait toujours promis qu’elle avait le tempérament et la tendance à pouvoir cheminer en dehors des appareils. Cette crise sociale lui offre l’opportunité d’en donner la démonstration. N’est-ce pas elle qui a provoqué le grand tournant de cette crise en lançant une invitation aux jeunes à rejoindre pacifiquement le cortège des manifestants. C’est elle aussi qui formule les critiques les plus acidulées contre Nicolas Sarkozy et François Fillon en leur proposant d’organiser un référendum sur les retraites si les deux estiment que cette réforme est vitale pour sauver le système français.
A l’exception de l’ex-socialiste devenu front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, Ségolène Royal est l’une des rares personnalités socialistes à être en phase avec le chant des manifestants. Nicolas Sarkozy et son entourage pointent leur irresponsabilité en l’accusant de jeter l’huile sur le feu là où la gravité de la situation dictait de la retenue et de la sagesse. Ségolène Royal revient de très loin. En temps normal, son enterrement se faisait à l’étouffée. Elle était sur le chemin de n’être qu’un mauvais souvenir socialiste, un accident de parcours dû à une forme d’usurpation politique. Son principal challenger Martine Aubry avait réussi un double pari là où tout le monde s’attendait à ce qu’elle trébuche gauchement: Pacifier sans grands dégâts la direction du Parti socialiste et signer sans grandes concessions un accord tacite avec le pape des sondages Dominique Strauss-Kahn. Dans cette configuration, Ségolène Royal n’avait que sa rancune et sa frustration à ruminer. Et même si récemment elle avait entonné l’air de l’union et du soutien à l’équipe capable de gagner face à Nicolas Sarkozy,
Ségolène Royal n’avait jamais abandonné son désir de faire cavalier seul, entraînant derrière elle le parti plutôt que de s’acclimater à ses desiderata. La voir défiler aux côtés de Martine Aubry devant le gotha socialiste, hier mardi, en dit long sur le chemin parcouru par Ségolène Royal. Avec à la prime ce constat : la crise sociale oblige Nicolas Sarkozy à revoir ses choix en termes de remaniement et de stratégie, elle oblige aussi les socialistes à revoir l’architecture interne de leurs ambitions. Et la question qui doit hanter en silence la Rue de Solferino : les accords passés avant le déclenchement de cette crise pour d’éventuelles primaires factices seront-ils toujours valables après le passage de l’ouragan social. Ségolène Royal répondra certainement par la négative.
(ALM)