A Cannes, pendant le dernier festival, un tonnerre d’applaudissements avait accueilli trois d’entre eux et l’équipe du film, titré "Benda Bilili", à leur arrivée dans la salle de projection, certains spectateurs laissant couler des larmes de "joie" devant "l’exploit de ces vertueux du ghetto" de Kinshasa.
Tout démarre en 2003 à Kinshasa, où les deux réalisateurs filment en immersion dans la population, s’intéressant notamment aux musiciens de la rue, très nombreux. Ils tombent sur "Papa Ricky", 58 ans, l’imperturbable boss à la jambe gauche inanimée et trop courte, casquette de cuir noir vissée sur la tête et leader du groupe qui vit dans la rue, où il joue et chante avec ses compagnons d’infortune des rumbas, mélées du blues urbain et miséreux de Kinshasa.
"Quand il nous disait qu’ils deviendraient le groupe de musiciens handicapés le plus célèbre du monde, ce n’était pas gagné… Nous avons été portés par cet espoir et aujourd’hui le miracle des Staff Benda Bilili continue", expliquait à Cannes Renaud Barret, réalisateur avec Florent de La Tullaye.
Le film montre comment ces huit musiciens de la rue, dont cinq handicapés atteints par la poliomyélite, ont réussi l’exploit de sortir un cd en France et en Angleterre en mars 2009, tout en continuant à vivre dans les rues miséreuses de Kinshasa.
La grande rencontre des réalisateurs a aussi été celle de Roger, un petit shegue ("mendiant" en lingala) qui joue avec l’instrument qu’il s’est fabriqué, un luth comprenant une seule corde reliée à une boîte de conserve, et qui est recruté par les anciens, séduits par le son cristallin qu’il produit.
Tous répètent au zoo de Kinshasa, rare endroit calme de la ville, et arrivent à produire un premier enregistrement artisanal, aidés par les réalisateurs. Le Label Crammed produit leur premier album en 2009. Le succès est tel que les Eurockéennes de Belfort les programment.
Pour la première fois de leur vie, les chanteurs/musiciens quittent Kinshasa en juillet 2009 pour une série de concerts, partout en Europe. En Octobre prochain, ils partent pour une tournée d’un mois au Japon.
600 heures de rush pour une heure et demi de film. La violence, la jungle de la vie, de la nuit, la dignité dans la misère, la solidarité, l’amour, la persévérance, le courage: "pour la première fois des gens venaient filmer autre chose que la misère. On a été portés par leur énergie, par cet optimisme frisant le donquichottisme. Chaque fois on repoussait la fin du film, on avait peur de ne pas les revoir quand on rentrait en France" avant de revenir, raconte Renaud Barret.
"Depuis, on a une maison, on a fait des bistrots, une épicerie. Kinshasa c’est bien, mais ici on voit que ça va, quoi…", commente Ricky avec humour quand on l’interroge sur sa vision de l’Europe.
Et Benda Bilili au fait, ça veut dire quoi ? "Tirer les images, voir loin, réfléchir…", répondent les réalisateurs. "Voir au-delà des apparences", ajoute Ricky.