«Inertie». Les inspecteurs de l’IGF commencent mollo par saluer les «belles réussites» de l’Audiovisuel extérieur, notamment «de remarquables positions sur Internet et les réseaux sociaux» . Ça ne mange pas de pain ; ensuite, ça se gâte très sérieusement : «L’AEF n’est parvenue à poursuivre son développement […] que grâce à des versements exceptionnels de l’Etat.» En clair, l’AEF vit aux crochets de l’Etat. Au total, donc, plus de 100 millions d’euros : pour la recapitalisation de RFI, pour le plan social à RFI qui a coûté 41,3 millions d’euros (contre 30,2 millions budgétés), pour un second plan social à venir ainsi que pour le déménagement des entités en un même lieu.
Sur ces 100 patates, 44 n’ont pas encore été versées alors que l’AEF les a déjà inclus dans son budget prévisionnel pour 2011 à 2013. Pire, souligne l’IGF, «la dotation de l’Etat n’a pas à ce stade été acceptée». Et rien ne dit, vu le plan de rigueur, qu’elle le sera… Du coup, les inspecteurs de finances promettent l’AEF à une «zone d’incertitude budgétaire» évaluée à 55 millions d’euros. Plutôt que «zone», on pourrait dire «trou», voire «gouffre».
Mais comment Alain de Pouzilhac a-t-il pu se gourer à ce point dans ses comptes ? Le rapport signale «un certain nombre d’irrégularités concernant des contrats passés ou des versements réalisés par l’AEF», tiens, tiens. Surtout l’IGF pointe une «inertie des ressources propres» ainsi que des prévisions qualifiées à plusieurs reprises de «trop optimistes.» Pouzilhac avait prévu de faire baisser les dotations de l’Etat à mesure qu’augmenteraient les ressources propres, issues surtout de la pub. Las, en 2010, l’AEF n’a récolté que 19 millions d’euros au lieu des 32 millions attendus. «Constat d’autant plus préoccupant, s’alarme l’IGF, que la distribution et l’audience de France 24 ont fortement progressé.» Désormais disponible dans 150 millions de foyers de par le monde, la chaîne internationale aurait dû rapporter en conséquence moult brouzoufs publicitaires.
Gel. Sauf que, comme le fait remarquer le député PS Didier Mathus, membre de la mission parlementaire d’information sur l’AEF qui doit rendre son rapport prochainement : «Quand on y regarde d’un peu près, France 24 est très peu distribuée, les chiffres donnés sont des chiffres de potentialité.» Bref, c’est la cata, ou, comme l’a dit Mathus, hier, devant l’Assemblée nationale qui examinait le projet de loi de finance 2012 «un fiasco». «Le rapport de l’IGF souligne un problème indiscutable de gouvernance, développe-t-il, une légèreté qui ne serait pas grave si l’AEF était un pôle puissant et respectable.»
Bon, c’est bien joli de critiquer mais que fait-on de ce merdier velu ? L’IGF lance quelques pistes : l’abandon de la diffusion en ondes courtes et moyennes pour RFI et le gel de la distribution. Et des synergies entre TV5 et France 24. Ce contre quoi Mathus s’élève déjà : «On veut instrumentaliser TV5 au bénéfice de France 24 !» Lui plaide pour «une articulation avec France Télévisions». De son côté, dans un communiqué, l’AEF juge «pertinentes» «plusieurs des analyses et recommandations du rapport» mais «n’approuve pas certaines préconisations» sans préciser. La suite, vous la lirez dans AEF : le grand ménage, peut-être en 2012.