Il est vrai que sur un plan froidement comptable, l’affaire DSK a dopé les ventes de journaux et de magazine et les audiences des journaux télévisés. Sans doute le fruit d’une profonde incrédulité face à cet acte suicidaire d’un homme politique, déjà au sommet et au seuil d’une grande gloire politique et d’un sens morbide du voyeurisme que suscite les malheurs et les détresses d’un destin privilégié, avec l’effet dune calèche brusquement transformée en citrouille.
Il est vrai aussi que même si la mésaventure DSK est une histoire exclusivement américaine, même le plus fantaisiste des écrivains de scénario de Hollywood n’aurait pu en imaginer les séquences et encore moins en inventer la finalité. L’affaire DSK demeure un grand énigme si épais que les opinions des français continuent d’osciller entre le complot-piège dans lequel un dragueur lourd et sanguin serait tombé et la manifestation d’une nature morbide enivrée par le pouvoir qui se croit tout permis, naturellement légitimé à cueillir tout en toute impunité.
L’opinion française se mobilise pour le procès de Lundi car l’affaire DSK a provoqué une grande césure dans sa vie politique. Non seulement ce troisième procès lèvera le voile officiellement sur la stratégie de défense choisie par les avocats de l’ancienne icône socialiste, mais il déroulera aussi le prochain calendrier juridique qui rythmera cette affaire. Le plaider coupable, qui peut entrainer un arrangement immédiat sur la nature de la sanction et clore juridiquement le dossier, est pour le moment exclu par la défense. Cette dernière se veut offensive et se donne pour ambition de démontrer l’innocence du prévenu.
Avec le recul, l’affaire DSK a provoqué un énorme séisme en France, avec une onde de choc qui continue de sévir. Elle a eu au moins trois grandes conséquences politiques identifiables. La première frappa de plein fouet le président Nicolas Sarkozy lui même. La campagne des présidentielles s’annonçait laborieuse, avec des sondages en berne, un bilan mitigé, une défiance de plus en plus rude et un favori, DSK à qui rien ne semblait barrer la route conquérante de L’Elysée. Et voilà que brusquement, par un étrange coup du destin, le ciel s’éclaircit. Ce qui nécessitait hier un miracle pour s’accomplir devient aujourd’hui une opportunité à portée de la main. Même si publiquement, Nicolas Sarkozy s’est abstenu de tout triomphalisme, son entourage n’a qu’un seul cri sous forme de constat victorieux pour la présidentielle : "c’est plié" lit-on sous forme de confidences.
La seconde conséquence s’est abattue sur le Parti Socialiste lui même. Alors que sa premier secrétaire, Martine Aubry, se préparait à jouer les forces d’appoint, la voila qui se trouve subitement acculée à faire des choix de rupture, elle qui avait élevé la culture de l’hésitation et de l’indécision au rang de comportement depuis son accession à la tête de la rue de Solférino. Martine Aubry se trouve dans la situation de devoir accélérer sa transformation. Sans parler que la chute soudaine de DSK a réveillé les ambitions que sa suprématie incontestable dans les sondages faisait taire. D’ou le retour sur le scène de Ségolène Royal, impatiente de refaire le match de 2007 avec Nicolas Sarkozy, d’ou l’éclosion d’une presque nouvelle personnalité, comme François Hollande avec une visible capacité à charmer et pourquoi pas à convaincre.
La troisième conséquence de l’affaire DSK est à trouver dans l’étrange libération de parole sur un sujet longtemps resté tabou en France, le machisme et la sexualité en politique. Signe qu’un bond qualitatif a eu lieu, la démission de Georges Tron de son poste de secrétaire d’Etat à la fonction publique sous les accusations de harcèlement sexuel portées contre lui par d’anciennes collaboratrices. L’illustration de cette libération de la parole à l’excès fut la sortie de l’ancien ministre de l’éducation nationale Luc Ferry qui évoque le cas d’un ministre qui avait avait commis des actes de pédophilie au Maroc, accusant presque tout le Gotha de s’être mué dans un silence complice.
Par Mustapha Tossa