Violences sexuelles: Élisabeth Guigou prend la tête d’une commission sur l’inceste

L’ancienne garde des Sceaux socialiste Élisabeth Guigou a pris jeudi la tête d’une commission indépendante sur l’inceste et toutes violences sexuelles faites aux enfants, instance très attendue des victimes et associations de défense des mineurs.

« Élisabeth Guigou est une figure d’autorité, elle a une expérience politique solide et connaît bien les institutions », a présenté à l’AFP le secrétaire d’Etat à l’Enfance et aux Familles, Adrien Taquet, qui avait annoncé cet été la création de cette commission pour « briser le dernier des tabous », celui des violences dans le cercle familial.

Saluant une personnalité qui « s’est engagée du côté des victimes, notamment lorsqu’elle était garde des Sceaux », M. Taquet a estimé qu’elle « saura(it) appréhender ce sujet grave et profond ».

Ministre de la Justice de 1997 à 2000 puis du Travail de 2000 à 2002, Élisabeth Guigou a ensuite été députée. Cette figure du PS avait quitté la politique en 2017 après sa défaite en Seine-Saint-Denis lors des législatives.

Elle prend la tête de cette commission, indépendante du gouvernement, pour deux ans, portant l’ambition « d’y engager un travail sérieux, de fond et de remise à plat de toutes les données » sur ce tabou sociétal.

« Ce sujet est bien plus répandu qu’on ne le croit et il fait l’objet d’un grand silence », a déclaré jeudi Mme Guigou, en marge de son premier déplacement.

Avec Adrien Taquet, elle s’est rendue à la Maison d’accueil Jean Bru, la seule institution en France d’accompagnement et de prise en charge d’enfants victimes d’inceste, située à Agen (Lot-et-Garonne).

Pendant près de deux heures, ils ont pu s’entretenir avec des jeunes filles, résidentes ou anciennes résidentes de cette structure, qui ont partagé leur parcours, leur reconstruction, mais aussi leurs difficultés à révéler les agressions qu’elles subissaient, à être crues et à bénéficier du suivi nécessaire.

« Notre objectif doit être aussi d’organiser la prévention, la prise en charge des victimes et des auteurs, pour finalement mieux traiter ce sujet », a assuré Mme Guigou.

 Appel à témoignages

Composée d’une vingtaine de professionnels (magistrats, policiers, psychologues, sociologues, médecins…) bientôt désignés par la présidente, la commission est dotée d’un budget de 4 millions d’euros pour deux ans.

Aucune victime d’inceste ne devrait figurer parmi ses membres pour « travailler avec le recul nécessaire », selon Mme Guigou qui souhaite toutefois « créer un comité de liaison avec des représentants d’association » pour pouvoir « leur rendre compte régulièrement du travail de la commission et les solliciter ».

Très attendue depuis son annonce en août, cette instance est calquée sur le modèle de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE), présidée par le haut-fonctionnaire Jean-Marc Sauvé.

Elle sera centrée sur l’inceste, qui concentre la majorité des cas, mais concernera aussi toutes les autres formes de violences sexuelles faites aux enfants, notamment dans les institutions (fédérations sportives, écoles, centres de loisirs, au sein de l’Aide sociale à l’Enfance…), a souligné M. Taquet.

Son objectif est de « faire éclater le dernier tabou des violences sexuelles intrafamiliales et plus largement à tous les enfants », qui restent « très difficiles à appréhender ».

« Ce n’est pas un lieu politique, c’est un lieu de compréhension et d’écoute des victimes », a-t-il ajouté.

L’une de ses premières actions sera de lancer au premier trimestre 2021 un appel à témoignages pour recueillir la parole des victimes via une plateforme téléphonique dédiée.

Un premier bilan d’étape devrait intervenir d’ici un an.

Ses travaux sont également très attendus car ils devront permettre d’objectiver les chiffres d’une réalité encore méconnue et qui suscite l’effroi.

Selon une récente étude menée par l’association Face à l’inceste, on estime que près de 6,7 millions de Français auraient été victimes d’inceste, soit près d’un sur dix, une proportion similaire à celle établie par d’autres pays, notamment les Etats-Unis ou les Pays-Bas.

Dans huit cas sur dix, ces faits n’ont pas donné lieu à une plainte.

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