Syrie: des photos montrant l’insoutenable primées par le public à Bayeux
Un reportage du photographe turc Emin Ozmen montrant des décapitations par des jihadistes en Syrie a été récompensé samedi par le public au Prix Bayeux (France) des correspondants de guerre, interpellant la profession qui choisit généralement de ne pas publier ce genre d’images.
Le reportage montre en gros plan l’exécution au sabre de quatre soldats de l’armée régulière syrienne par le groupe État islamique en Irak et au Levant. Ces photos ont été refusées par Sabah, le propre journal d’Emin Ozmen en Turquie, avant d’être vendues par Sipa Presse aux magazines Time et Paris Match.
Interrogé par l’AFP, le photographe turc explique être tombé par hasard sur ces exécutions alors qu’il était en reportage dans le nord de la Syrie sous la protection de soldats de l’Armée syrienne libre (ASL).
"Ce sont des photos qui ont un contenu très discutable, je comprends qu’elles fassent débat", déclare-t-il, tout en soulignant que les exécutions auxquelles il a assisté diffèrent des décapitations d’otages que les jihadistes ont diffusé depuis par vidéo. "Je comprends que ces vidéos ne soient pas diffusées afin de ne pas relayer la propagande" des bourreaux, ajoute-t-il.
Emin Ozmen effectuait alors son huitième voyage en Syrie. Ces exécutions "m’ont donné mal au coeur, elles m’ont dégoûté", raconte-t-il. Il a regagné la Turquie le lendemain et n’est pas retourné depuis dans le pays. "C’est très dangereux pour moi", explique-t-il.
Alors que ses photos sont très populaires sur internet, le photo-reporter né en 1985 juge que "ce qui compte, c’est que ces photos arrivent jusqu’aux gens". "Cette réalité sanglante que nous vivons au Moyen-Orient, il faut que tout le monde la constate et que l’on agisse pour empêcher cela", plaide-t-il.
"Être récompensé par le public après avoir été sélectionné par un jury de professionnels, ça me fait très plaisir", dit-il.
En raison de l’extrême violence de certaines images le reportage n’a été que partiellement montré à la salle samedi soir lors de la cérémonie de remise des prix.
L’auteur a raconté sur scène comment il avait été amené à photographier ces exécutions de soldats. "J’ai même pas regardé" en prenant les photos, a-t-il dit. Après "j’ai eu mal à l’estomac toute la journée".
Quand son journal a refusé de les publier, pour le photographe, "c’était très grave". "Je voulais que tout le monde voit la cruauté de l’armée islamique", a-t-il lancé, très applaudi par la salle.