Piotr Pavlenski, le performeur russe tombeur du candidat de Macron à mairie de Paris
Piotr Pavlenski, le diffuseur de la vidéo qui a fait chuter l’ex-candidat à la mairie de Paris Benjamin Griveaux, est un contestataire connu pour ses « performances » choc à connotation politique, réfugié en France après avoir fui la Russie.
Cet activiste de 35 ans a été inculpé et remis en liberté sous contrôle judiciaire mardi dans le cadre de cette affaire.
Crâne rasé, joues creusées, Piotr Pavlenski dit pratiquer « l’art politique » contre « l’individu réduit à l’état de bétail par l’Etat, la propagande et les instruments du pouvoir ».
C’est donc par la politique qu’il est entré ce mois-ci avec fracas dans l’actualité française, mettant en ligne les vidéos à caractère sexuel qui ont dynamité les municipales parisiennes et entraîné vendredi le retrait de la candidature de Benjamin Griveaux, un proche du président Emmanuel Macron.
Ces vidéos étaient au départ destinées à sa compagne de 29 ans, Alexandra deTaddeo, inculpée dans le cadre de l’information judiciaire ouverte mardi et qui a nié toute implication dans leur diffusion.
Piotr Pavlenski, quant à lui, revendique leur publication, afin de « dénoncer l’hypocrisie dégoûtante » du candidat, qui « a utilisé sa famille en se présentant en icône pour tous les pères et maris de Paris ».
Diplômé de l’Académie d’art et d’industrie de Saint-Pétersbourg et père de deux enfants, il vit avec peu de ressources et squatte régulièrement des maisons vides dans le quartier de la Mouzaïa à Paris.
« C’est pas quelqu’un de très engageant, il est toujours habillé tout en noir, et puis avec ses frasques, ça nous effraie un peu », raconte Aline, une voisine qui l’a vu encore récemment dans le quartier.
L’activiste a déjà eu affaire à la justice française quand il avait incendié en octobre 2017 la façade d’une succursale de la Banque de France sise place de la Bastille, haut lieu de la Révolution française, un contre-sens historique selon lui.
Après un procès agité en janvier 2019, qu’il avait utilisé comme une tribune pour proclamer « vive les +Gilets jaunes! », il avait été condamné à trois ans de prison dont un ferme.
– Testicules cloués –
Piotr Pavlenski n’a pas attendu d’être en France pour commencer ses coups d’éclat.
Sa première vie russe a été émaillée de « performances » choc virant souvent à l’auto-mutilation : peau des testicules clouée sur les pavés de la place Rouge, bout d’oreille coupé ou lèvres cousues en soutien au groupe contestataire Pussy Riot.
En novembre 2015, déjà, il incendie l’une des portes de la Loubianka, le siège historique des services de sécurité russes en plein coeur de Moscou.
Après sept mois de détention provisoire, il est condamné à une simple amende dans une décision d’une rare clémence pour la justice russe.
Si certains militants de l’opposition russe ont défendu ses actions coup de poing et ses prises de position en tant que forme d’art engagé, d’autres comme l’écrivaine et défenseure réputée des droits humains Lioudmila Alexeïeva ont condamné des actes « idiots ».
Affirmant vouloir échapper à « dix ans de camp » alors qu’il était accusé de « violences à caractère sexuel », qu’il conteste, sur une actrice d’un théâtre moscovite, Piotr Pavlenski obtient, avec sa compagne d’alors Oksana Chalyguina, l’asile en France en mai 2017 après avoir fui la Russie.
Une faveur qu’il estimait sans conditions : « On ne m’a pas accordé (l’asile) à condition que je cesse l’art politique », a-t-il précisé au cours de son procès de janvier 2019.
Pourquoi avoir choisi la France, lui qui ne parlait alors pas français (ni anglais) ? « C’est l’Alma mater de la Révolution russe », s’enflammait-il. L’artiste se dit désormais « Français et parisien », concerné par la politique française.
Michel Eltchaninoff, le rédacteur en chef de la revue Philosophie Magazine et bon connaisseur de Piotr Pavlenski, a confié à la radio franceinfo que l’artiste avait « totalement changé ».
Selon lui, « il y a quelques années, Piotr Pavlenski dénonçait les pratiques du FSB, les services secrets russes, et aujourd’hui, il utilise leurs pratiques, c’est-à-dire la fabrique d’un +Kompromat+, un matériau compromettant, et le diffuse » pour faire tomber M. Griveaux.