Il faudra se retrouver une nouvelle fois : les 27 se sont séparés vendredi en début de soirée après deux jours de négociations à Bruxelles, sans accord sur le prochain budget pluriannuel de l’Union européenne.
Malgré la multiplication des réunions – bilatérales, à quatre, à cinq – pour tenter de concilier les points de vue, le président du Conseil européen Charles Michel a raté son pari.
Il n’a pu trouver un compromis avec les dirigeants de l’UE, tant les positions étaient éloignées, sur le niveau global du budget pour la période 2021-2027 comme sur la répartition des dépenses (de l’agriculture au numérique, de la défense aux migrations).
« On est arrivé à une situation de bloc contre bloc », a expliqué à l’AFP un négociateur européen.
– Pas de « miracle » –
Le Premier ministre hongrois Viktor Orban prédisait qu’il faudrait un « miracle » pour conclure la discussion en un seul sommet. Il n’a pas eu lieu.
« Nous avons besoin de plus de temps », n’a pu que constater Charles Michel en conférence de presse. Il doit encore décider de la façon de procéder pour la suite.
Les négociations ont été très difficiles, a-t-il concédé, sans regretter toutefois d’avoir organisé ce sommet qui a permis d’avoir une idée claire des positions de chacun. « Comme le disait ma grand-mère, pour réussir il faut essayer », a-t-il lancé.
La proposition chiffrée qu’il avait avancée comme base de négociation a été « adaptée » vendredi après-midi par les services de la Commission européenne pour tenir compte des demandes et des lignes rouges de chacun. Mais il a fallu moins d’une demi-heure aux 27 revenus autour de la table pour la rejeter et constater à l’unanimité le besoin de davantage de temps.
Certains ont déploré une négociation dominée par les pays dits « frugaux », qui exigent un budget resserré à 1% du revenu national brut pour la période 2021-2027, avec pour objectif de limiter leurs contributions nationales.
« Ce qui s’est passé est une réaction d’un groupe de 16 pays qui représentent une population beaucoup plus élevée que les autres et qui a décidé que sa voix allait être entendue avec la même fermeté », a commenté une source gouvernementale espagnole.
Madrid est l’un des meneurs du groupe d’Etats qui se sont surnommés les « amis de la cohésion » ou « amis d’une Europe ambitieuse » et s’opposent à la vision des quatre « frugaux » – Pays-Bas, Autriche, Danemark, Suède.
L’Italie a indiqué avoir été mandaté, avec la Roumanie et le Portugal, pour avancer une « contre-proposition ».
Pointé du doigt, le Premier ministre néerlandais Mark Rutte s’est défendu de prendre la place des Britanniques, régulièrement critiqués pour leur âpreté dans les négociations budgétaires.
« Nous sommes quatre fois plus petits, nous avons une histoire différente et nous parlons une langue différente », a-t-il répondu non sans malice à la presse. « Mais le fait est que le Royaume-Uni est parti et que (…) cela doit se refléter dans le nouveau budget », a-t-il ajouté plus sérieusement.
Les 27 Etats membres doivent trouver un compromis sur le niveau global du budget pour sept ans ainsi que sur sa répartition entre les différentes politiques de l’UE, tout en tenant compte du « trou » laissé par la fin de la contribution britannique, une somme évaluée entre 60 et 75 milliards d’euros.
La proposition de Charles Michel proposait un budget à 1,074%, soit 1.094,8 milliards d’euros. Les techniciens de la Commission l’ont fait descendre à 1,07%, avec certes une hausse des fonds accordés à la Politique agricole commune (PAC), mais de nombreuses coupes dans d’autres domaines comme le militaire et l’espace.
– PAC et Brexit –
La chancelière allemande Angela Merkel et le président français Emmanuel Macron, dont les pays sont les deux principaux contributeurs au budget après le Brexit, se sont montrés très actifs dans les discussions.
A deux jours du Salon de l’Agriculture à Paris, le Français était arrivé au sommet prêt à « se battre » pour la PAC, alors que la proposition de Charles Michel envisageait des coupes de l’ordre de 14% pour cette enveloppe.
« Ce n’est pas la PAC qui peut payer pour le Brexit », a-t-il lancé à l’issue du sommet.
Les rabais, dont bénéficient aujourd’hui cinq pays – Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Autriche et Suède – ont été un autre sujet de contentieux. Ils coûtent cinq milliards d’euros par an et les autres pays veulent y mettre fin.
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a insisté sur le calendrier serré qui attend désormais les Européens.
« Le temps presse parce que d’ici la fin de l’année, toutes les étapes techniques (…) doivent être franchies, sinon en 2021 il n’y aura pas de budget », a-t-elle déclaré en conférence de presse. « Pas d’Erasmus, pas de budget pour la recherche, le développement des régions ou la protection des frontières », a-t-elle mis en garde.