Or vénézuélien: la justice britannique tranche en faveur de Juan Guaido
Un juge britannique a estimé jeudi que le chef de l’opposition vénézuélienne Juan Guaido était bien le « président par intérim » du pays, empêchant ainsi la récupération de 31 tonnes d’or déposées à la Banque d’Angleterre par le gouvernement de Nicolás Maduro, qui a annoncé faire appel.
« Le gouvernement britannique reconnaît M. Guaido en tant que président constitutionnel par intérim du Venezuela » et « en vertu de la doctrine +une seule voix+, la cour doit accepter cette déclaration comme sans équivoque », a écrit le juge Nigel Teare dans sa décision, publiée une semaine après la fin des quatre jours d’audience.
La Banque centrale du Venezuela (BCV) a aussitôt annoncé qu’elle allait faire appel. Ce jugement « ignore entièrement la réalité de la situation sur le terrain », a fait valoir Sarosh Zaiwalla, l’avocat de la BCV.
Le gouvernement du président vénézuélien Nicolas Maduro a réclamé de son côté jeudi l’ouverture d’une enquête au Venezuela pour déterminer les « responsabilités » devant ce « vol éhonté » de l’or vénézuélien déposé à la banque d’Angleterre, a déclaré devant la presse à Caracas la vice-présidente Decly Rodriguez.
« Cela démontre que l’administration de Maduro se trouve de plus en plus isolée (…) du point de vue de son accès au système financier international », a réagi auprès de l’AFP Diego Moya-Ocampos, expert des Amériques pour le cabinet d’analyses IHS Markit.
Pour affronter le Covid-19
Depuis la reconnaissance par le ministre des Affaires étrangères de l’opposant Juan Guaido, président de l’Assemblée nationale du Venezuela, en tant que président par intérim du pays en février 2019, la Banque d’Angleterre a systématiquement refusé à Caracas de lui rendre une partie de ses réserves d’or entreposée en son sein.
Mais durant les audiences, les avocats de l’institut monétaire vénézuélien avaient fait valoir qu’à travers ses relations diplomatiques avec le président Nicolas Maduro, le Royaume-Uni reconnaissait le régime, même s’il ne l’approuvait pas.
Le Venezuela a effectué plusieurs demandes pour récupérer l’équivalent d’un milliard de dollars (environ 886 millions d’euros) de lingots, tandis que Juan Guaido, reconnu comme président par intérim par une soixantaine de pays, a écrit à deux reprises à la BoE pour lui enjoindre de rejeter ces demandes de Caracas.
Face aux refus de la BoE, la Banque centrale du Venezuela avait donc fini par assigner la Banque d’Angleterre devant un tribunal, faisant valoir qu’elle avait besoin de ces fonds pour lutter contre la pandémie de Covid-19.
Le Venezuela est en proie depuis plusieurs années à une grave crise économique, doublée d’une crise politique depuis la victoire de l’opposition aux élections législatives de 2015.
« Ce résultat va encore retarder les choses, au détriment des Vénézuéliens dont la vie est menacée », a d’ailleurs regretté M. Zaiwalla.
D’autres recours possibles
Le défenseur du conseil d’administration alternatif de la BCV nommé par Juan Guaido et invalidé par la Cour suprême avait de son côté mis en avant le risque que l’or du pays soit dilapidé au profit de ses dirigeants.
Afin de prouver sa bonne foi, la BCV avait proposé en avril que l’or soit transféré directement au Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), qui s’est dit disposé à l’envisager avec des conditions.
Le résultat de ces audiences pourrait constituer un précédent pour les autres fonds vénézuéliens bloqués à l’étranger, et notamment dans les pays européens.
Contacté par l’AFP, la représentante de M. Guaido à Londres, Vanessa Neumann, a déclaré que la décision sur d’autres recours dans d’autres pays n’avait pas encore été prise mais qu’elle le serait « prochainement ».
Elle a également rappelé que l’intention de M. Guaido avait toujours été de sauvegarder les actifs du peuple vénézuélien et non pas de s’approprier l’or.
Elle avait assuré la semaine dernière à l’issue des audiences qu’il « serait mieux que cet or soit conservé ici jusqu’à ce qu’il y ait des élections justes et libres ».
Les Vénézuéliens doivent renouveler l’Assemblée nationale cette année, mais les principales formations de l’opposition ont déjà annoncé qu’elles boycotteraient ces législatives. Elles les jugent par avance frauduleuses dans la mesure où la présidente du Conseil national électoral Indira Alfonzo a été nommée par le Tribunal suprême de justice (TSJ), considéré comme acquis au pouvoir du président socialiste vénézuélien Nicolas Maduro.