Manifestations massives en Guyane française pour la « journée morte »

La Guyane française a connu les plus importantes manifestations de son histoire mardi pour réclamer « des moyens » sur tous les fronts, et le gouvernement a annoncé que deux ministres se rendraient sur place dès mercredi.

Ce territoire français d’Amérique du Sud, qui connaît un fort taux de chômage et une insécurité chronique, a fait irruption dans la campagne, à un mois du premier tour de l’élection présidentielle, le 23 avril: barrages, mouvements sociaux et, depuis lundi, grève générale.

Mardi, décrété "journée morte", la mobilisation, dans la bonne humeur mais aussi une forte détermination, a été massive: entre 8.000 et 10.000 personnes manifestaient à Cayenne à 12H00 (15H00 GMT) et de 3.500 à 4.000 à Saint-Laurent-du-Maroni, l’autre grande ville guyanaise, selon les services de l’État.

Ces rassemblement constituent "la plus grosse manifestation jamais organisée" sur ce territoire d’où la France lance ses fusées Ariane, a-t-on relevé de même source.

Aux côtés des drapeaux guyanais brandis, des banderoles reprenaient le slogan "nou bon ké sa" – "ça suffit" en créole – qui a fleuri sur les barrages.

Dans le cortège, des participants parlaient aussi d’une mobilisation "historique".

"Nous voulons que l’État nous donne les moyens. Ca fait trop longtemps que ça dure. L’État doit reconnaître la population guyanaise", a lancé une manifestante.

Dans la soirée, le Premier ministre Bernard Cazeneuve a annoncé que le ministre de l’Intérieur Matthias Fekl et celle des Outre-mer Ericka Bareigts se rendraient en Guyane le lendemain, en prenant acte que les rassemblements n’avaient "fait l’objet d’aucun débordement et (s’étaient) déroulés dans un esprit d’apaisement".

M. Cazeneuve avait la veille déclaré qu’une délégation ministérielle se rendrait en Guyane avant la fin de la semaine "si, toutefois, les conditions du respect (…) et de l’ordre républicain (étaient) réunies.

A Cayenne, M. Fekl et Mme Bareigts "poursuivront le dialogue avec tous les acteurs économiques, sociaux, politiques et les représentants de la société civile" lancé par la mission interministérielle arrivée samedi, "en vue de la conclusion d’un pacte d’avenir ambitieux", a-t-il indiqué.

Après une affluence décevante lundi, les manifestations de la "journée morte" relèvent du plébiscite pour l’Union des travailleurs guyanais (UTG), dont les 37 syndicats membres ont voté à la quasi-unanimité l’arrêt du travail.

Le collectif des protestataires "Pou La Gwiyann dékolé" ("pour que la Guyane décolle", qui regroupe autant des collectifs contre la délinquance et pour l’amélioration de l’offre de soins, que l’UTG ou les avocats guyanais) s’en trouve renforcé alors qu’il refusait de rencontrer la délégation interministérielle.

"On attend la ministre" des Outre-mer, Ericka Bareigts, avait affirmé à l’AFP lundi, Jean-Hubert François, président du syndicat des jeunes agriculteurs.

Pour M. Cazeneuve, "le travail de la mission interministérielle (…), ainsi que les échanges avec les acteurs locaux menés par la ministre des Outre-mer ont permis d’établir une liste de revendications de nature à favoriser, dans la perspective d’une sortie de crise, un dialogue fructueux avec une délégation ministérielle".

Le gouvernement a aussi "réaffirmé sa volonté d’apporter des solutions rapides concrètes et durables" aux aspirations des Guyanais.

Les autorités avaient annoncé ces derniers jours de "premiers résultats", comme "la fidélisation d’un escadron de gendarmes mobiles à Cayenne" ou une enveloppe de "60 millions d’euros supplémentaires" pour l’hôpital de Cayenne, très endetté.

Mais un porte-parole des grévistes avait réclamé "un plan de développement et pas des mesurettes".

Il y a "un vrai stress sur l’insécurité. Viennent ensuite la santé et l’éducation", a confié à l’AFP Michel Yahiel, ancien "conseiller social" du président socialiste François Hollande et membre de la délégation.

Le Défenseur des droits Jacques Toubon, qui avait formulé en février de nombreuses recommandations pour améliorer l’accès aux droits et aux services publics en Guyane, s’est dit "particulièrement inquiet", dans un communiqué.

afp

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