"Kiev et le Donbass (ndlr, les séparatistes) ont trouvé un accord sur un échange de prisonniers (…) ce dimanche 29 décembre", a annoncé Daria Morozova, la médiatrice du gouvernement de la république autoproclamée du Donetsk dans un communiqué.
Selon elle, les deux territoires séparatistes de Donetsk et Lougansk se verront remettre 87 personnes, tandis que 55 seront remises à Kiev. La responsable n’a donné aucune indication sur l’identité de ces prisonniers. Des médias russes affirment que l’opération doit avoir lieu sur la ligne de front.
De leur côté, les autorités ukrainiennes n’ont rien laissé filtrer, se refusant à confirmer ou infirmer l’échange.
"Nous ne commentons pas cela", a indiqué à l’AFP Olena Guitlianska, porte-parole du SBU, les services de sécurité ukrainiens. La présidence était quant à elle injoignable.
Selon des informations des médias ukrainiens non-confirmées par les autorités, les séparatistes pourraient libérer principalement des prisonniers de guerre ukrainiens, mais également des activistes ou journalistes pro-Kiev emprisonnés.
Côté ukrainien, un tribunal de la ville de Kharkiv a lui relâché samedi trois hommes condamnés à la prison à vie pour avoir préparé un attentat en février 2015, a constaté un journaliste de l’AFP.
Cité par l’agence Interfax, le procureur ukrainien Vladimir Lymar a soutenu pendant l’audience que les trois suspects avaient été libérés car ils doivent faire partie de l’échange.
D’autres médias ukrainiens rapportent que l’opération pourrait inclure d’anciens policiers anti-émeutes détenus en Ukraine pour leur implication présumée dans la répression sanglante des manifestants de la place Maïdan, en 2014, qui avait poussé au départ un président pro-russe.
Cette dernière possibilité a suscité l’indignation de familles des victimes, qui ont appelé le nouveau président ukrainien Volodymyr Zelensky à y renoncer.
– Début de détente –
Le principe de cet échange avant la fin de l’année avait cependant été acté et réclamé par M. Zelensky le 9 décembre à Paris, où se tenait le premier sommet de paix sur l’Ukraine depuis 2016.
Il y rencontrait Vladimir Poutine pour la première fois, sous chaperonnage franco-allemand, une avancée même si la réunion n’a au final débouché que sur peu de décisions concrètes.
Depuis l’élection de M. Zelensky, un ancien acteur et comédien, une certaine détente se fait toutefois sentir avec la Russie.
En septembre, Kiev et Moscou avaient échangé 70 détenus, notamment le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov, relâché par le Kremlin.
Les belligérants des deux camps ont ensuite reculé dans trois petits secteurs de la ligne de front, et le sommet de Paris a décidé que d’ici fin mars d’autres retraits de troupes de ce type devaient avoir lieu. La Russie a aussi rendu à Kiev des navires de guerre qu’elle avait saisis.
La guerre entre Kiev et des séparatistes prorusses a fait plus de 13.000 morts depuis son éclatement en 2014, quelques semaines après l’annexion de la péninsule de Crimée par la Russie qui avait elle même suivi le soulèvement pro-européen de Maïdan.
L’Occident et l’Ukraine accusent Moscou de financer et d’armer les rebelles, ce que la Russie nie, affirmant jouer un rôle politico-humanitaire pour protéger les populations locales dans ces régions russophones.
– Règlement politique en suspens –
La signature des accords de paix de Minsk en 2014 et 2015 a mis fin aux combats les plus violents, mais le cessez-le-feu prévu n’a jamais été mis en oeuvre, les accrochages restant quasi-quotidiens.
Les négociations à Paris avec MM. Poutine, Zelensky, Emmanuel Macron et Angela Merkel, un format baptisé "Normandie", n’ont d’ailleurs pas débouché sur des avancées, qu’il s’agisse du retrait des armes lourdes, la restauration du contrôle de Kiev sur sa frontière avec la Russie, l’autonomie accrue pour les territoires sous contrôle séparatiste ou l’organisation d’élections locales dans ces régions.
Et les différents camps semblent avoir certaines positions irréconciliables.
Volodymyr Zelensky a ainsi exclu tout scrutin et toute autonomie tant que des groupes armés étaient "illégalement" en territoire ukrainien.
Vladimir Poutine a lui apporté un soutien fort aux rebelles le 10 décembre, excluant tout retour du contrôle de la frontière à Kiev. "J’imagine très bien ce qui pourrait se passer sinon. Sebrenica !", a-t-il lancé, en référence au massacre en 1995 de 8.000 personnes par les Serbes de Bosnie.