Lars Von Trier exclu du Festival de Cannes, pas son film

Lars Von Trier exclu du Festival de Cannes, pas son film
Le conseil d’administration du 64e Festival de Cannes a pris jeudi la décision sans précédent d’exclure le cinéaste danois Lars Von Trier de la manifestation, en raison de "propos intolérables" tenus après la projection de son film "Melancholia".

Cette décision, non unanime et prise à l’issue d’une longue réunion extraordinaire du conseil d’administration, "tiendra lieu de jurisprudence" dans le cas de nouveaux dérapages à l’avenir, ont dit le président du Festival, Gilles Jacob, et son délégué général, Thierry Frémaux, lors d’un point de presse.

"Considérez qu’il n’est plus accrédité au Festival de Cannes", a dit Gilles Jacob. La sanction a été acceptée par Lars Von Trier qui s’est dit "consterné par cette affaire", a précisé Thierry Frémaux.

Le long métrage demeure toutefois en lice pour la Palme d’or mais s’il reçoit dimanche prochain un ou plusieurs prix, son réalisateur ne pourra venir les recueillir. Lars von Trier avait remporté la Palme d’or en 2000 avec "Dancer in the Dark".

Le cinéaste danois, réputé pour son goût de la provocation, avait déclaré, entre autres choses, qu’il comprenait Hitler, mercredi lors de la conférence de presse qui avait suivi la projection de son film.

La direction du Festival avait immédiatement réagi en priant le cinéaste de s’expliquer. Le conseil d’administration a été convoqué d’urgence dans la nuit de mercredi à jeudi et a rendu sa décision de distinguer l’homme de son oeuvre, ont expliqué les responsables du Festival.

Gilles Jacob a précisé toutefois que le conseil avait évoqué "une échelle graduée de protestations", pouvant aller du simple blâme à l’exclusion de l’oeuvre.

Thierry Frémaux a rapporté que Lars Von Trier avait déclaré jeudi matin: "La Shoah est la chose la plus grave qui soit arrivée dans l’histoire de l’humanité".

"Se servir du Festival de Cannes pour tenir devant les médias des propos intolérables, c’est ternir son image", avait auparavant déclaré Gilles Jacob, dans une brève déclaration manuscrite lue au début du point de presse.

"C’est d’autant plus triste et lamentable une année où nous réunissons des films de peuples qui crient leur besoin vital d’expression, de cinéastes retenus dans leur pays", a ajouté Gilles Jacob.

Il a expliqué ensuite que la formulation "persona non grata" visant Lars Von Trier visait à séparer l’"oeuvre collective" et tous ceux qui y ont participé et les "propos inadmissibles tenus par Lars Von Trier en tant que personne".

Thierry Frémaux a observé que la décision d’exclure le cinéaste danois portait sur l’édition 2011 de la manifestation, restant évasif quant à la participation du cinéaste à l’avenir.

"Ce qui a indigné le Festival, c’est d’avoir tenu des propos sur un sujet dont il nous a semblé qu’il n’était pas possible de l’aborder de cette façon-là", a poursuivi Thierry Frémaux, ajoutant que Lars Von Trier avait immédiatement retiré lesdits propos et s’en était excusé.

Gilles Jacob a précisé qu’il n’y avait pas eu de communication entre le jury du Festival, présidé cette année par l’acteur américain Robert de Niro, le conseil d’administration et la direction du Festival sur cet incident.

Le conseil d’administration du Festival compte 28 membres, 14 des corps constitués de l’Etat et 14 des professionnels de l’industrie. Le délégué général assiste à ses réunions mais n’a pas de droit de vote.

Les actrices de "Melancholia" ont demandé au cinéaste si ses déclarations constituaient une "mauvaise plaisanterie ou s’il y avait quelque chose derrière tout ça, au quel cas, elles n’auraient pas monté les marches", a également signalé Thierry Frémaux, sans donner de noms.

Il s’est employé à replacer cette affaire "dans un contexte qui est celui d’un sens de la provocation, certes douteux mais qui est celui auquel Lars Von Trier nous avait déjà habitués".

L’éventualité de poursuites judiciaires contre le cinéaste est improbable car l’incident, examiné par les services juridiques du CNC (Centre national de la cinématographie), "ne tombe pas sous le coup de la loi", a dit Gilles Jacob.

Les organisations qui avaient protesté contre les déclarations de Lars Von Trier, notamment le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), sont solidaires de la décision du Festival, a-t-il ajouté.

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