L’Algérie dans l’expectative en l’absence de son président

L’absence prolongée d’Algérie du président Abdelmadjid Tebboune a réveillé le spectre, pour beaucoup d’Algériens et dans les médias, de la vacance du pouvoir lors des hospitalisations à l’étranger d’Abdelaziz Bouteflika après son grave accident vasculaire cérébral.

Contaminé par le nouveau coronavirus, le président âgé de 75 ans et gros fumeur est soigné en Allemagne depuis le 28 octobre, tandis que la pandémie est en pleine recrudescence et que les frontières algériennes sont fermées depuis le 17 mars.

La communication lapidaire de la présidence sur son état de santé, les rumeurs orchestrées sur un « retour imminent » et la paralysie au sommet de l’Etat rappellent le dernier mandat de l’ex-président Bouteflika, soigné à maintes reprises en France et en Suisse.

Le président Tebboune « reviendra sain et sauf bientôt en Algérie », a assuré mardi le président de l’Assemblée nationale Slimane Chenine selon l’agence officielle APS, sans donner de date.

« Face aux informations contradictoires marquées du sceau de l’opacité, les Algériennes et Algériens s’interrogent sur l’état de santé réel de Tebboune », interpelle un internaute, Abbes, sur Facebook.

 « Constante amélioration »

Frappé par un AVC en 2013, Abdelaziz Bouteflika n’avait jamais pu retrouver ses pleines capacités mais avait continué à assumer la charge présidentielle avant d’être chassé du pouvoir en avril 2019 par un soulèvement populaire pour avoir voulu briguer un cinquième mandat.

« Le +cadre+ est de retour », ironisent des internautes sur les réseaux sociaux, une référence au fameux portrait encadré de M. Bouteflika exposé de façon systématique lors des cérémonies officielles pour pallier son absence.

La dernière apparition publique du président Tebboune remonte au 15 octobre, selon les médias locaux.

Depuis le départ de M. Tebboune pour Cologne à bord d’un avion médicalisé, six communiqués succincts ont tenu les Algériens informés de son état, en particulier celui du 8 novembre dans lequel il « rassure le peuple algérien » personnellement.

Mais en pleine crise sanitaire, politique et économique, son absence passe difficilement inaperçue.

Ce fut le cas le 1er novembre, lors du référendum sur une révision de la Constitution, un de ses projets phares, sanctionné par un taux de participation historiquement bas.

Un scrutin « éclipsé par un événement qui rappelle la fin du règne du président Bouteflika », souligne Michaël Béchir Ayari, chercheur de l’ONG International Crisis Group (ICG).

« Cette séquence a renforcé le sentiment de nombre d’Algériens selon lequel le pouvoir demeure une créature du passé et que la présidence Tebboune et son référendum s’inscrivent pleinement dans la continuité plutôt que la rupture », observe-t-il.

Vacance du pouvoir

Sur le plan économique, la vacance du pouvoir survient au moment où l’Algérie « a besoin d’une réforme globale et structurelle et où les investisseurs dans le pétrole et le gaz attendent l’adoption des textes du code des hydrocarbures » devant assouplir leur régime juridique et fiscal, relève Anthony Skinner, directeur Afrique du Nord et Moyen-Orient de la société de conseil en risques et en stratégie Verisk Maplecroft.

De fait, les informations distillées au compte-gouttes dès l’entrée en confinement de M. Tebboune et la défiance de nombre d’Algériens vis-à-vis des sources officielles d’information alimentent les spéculations.

« Qui est aux commandes? », s’interroge le commentateur Abed Charef, appelant à appliquer l’article 102 de la Constitution qui prévoit de déclarer « l’état d’empêchement » en cas d’incapacité du président.

Pour le journaliste Ihsane El Kadi, l’Algérie est dans « une nouvelle crise de la fonction présidentielle, semblable à celle ouverte par l’AVC de Abdelaziz Bouteflika » en 2013.

« L’hospitalisation puis l’exil du président Tebboune a durablement désactivé la chaîne de décision administrative », avance-t-il.

Le crucial projet de loi de finances 2021, adopté mardi par l’Assemblée populaire nationale (APN), attend ainsi la signature du président.

« L’Algérie se retrouve dans une configuration plus difficile que celle qui a prévalu lors de l’hospitalisation de M. Bouteflika. Les conditions nécessaires pour permettre aux institutions de prendre le relais ne sont pas réunies », explique à l’AFP le politologue Hasni Abidi.

« L’armée est désormais la première concernée pour faire face à une situation de paralysie totale », analyse-t-il.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite