Le bras de fer sur la pêche entre le Royaume-Uni et l’Union européenne menace l’issue des négociations qui reprennent dimanche pour trouver un accord post-Brexit, à seulement dix jours de la séparation définitive.
Il n’y aura pas d’accord à moins d’un « changement substantiel » des positions de Bruxelles dans les jours qui viennent, a averti samedi soir une source britannique dans une déclaration aux médias.
Un accord doit être conclu avant que le Royaume-Uni –qui a officiellement quitté l’UE le 31 janvier dernier– ne sorte du marché unique européen et de l’union douanière le 31 décembre à 23h00 GMT.
A la pression du calendrier s’ajoute pour les Européens celle de leur parlement. Les eurodéputés réclament une conclusion des négociations « dimanche à minuit » pour examiner l’accord et le ratifier afin qu’il entre en vigueur au 1er janvier.
Mais cette date butoir, comme bien d’autres dans la saga du Brexit, a toutes les chances d’être dépassée face au risque d’un « no deal » étant donné ses lourdes conséquences économiques.
Un accord conclu in extremis pourrait entrer en vigueur provisoirement, une option qui semble avoir la faveur des Etats membres, avec une ratification a posteriori du Parlement européen.
Le secrétaire d’Etat français chargé des Affaires européennes, Clément Beaune, n’a d’ailleurs pas exclu samedi une poursuite des pourparlers après le week-end.
« Il est normal de ne pas dire +écoutez, c’est dimanche soir on s’arrête, et donc je sacrifie tout+ », a-t-il argumenté.
Malgré des tractations intenses sur la pêche, un compromis peine à émerger et « les divergences restent les mêmes », a déclaré une source européenne samedi soir.
Or les Européens ont conditionné l’accès sans droit de douane ni quota à leur immense marché au règlement de la question de la pêche. Un enjeu loin d’être négligeable pour les Britanniques, puisque l’UE est leur premier partenaire commercial.
« Pas raisonnable »
Pour plusieurs Etats membres, France et Pays-Bas en tête, la pêche a une forte dimension politique et sociale malgré son faible poids économique.
De l’autre côté de la Manche, le contrôle de ses eaux symbolise une souveraineté britannique retrouvée grâce au Brexit.
Les tractations se concentrent sur le partage des quelque 650 millions d’euros pêchés chaque année par l’UE dans les eaux britanniques et la durée de la période d’adaptation pour les pêcheurs européens. Pour les Britanniques, les produits de pêche dans les eaux européennes représentent environ 110 millions d’euros.
Bruxelles proposerait de renoncer à environ 20% des 650 millions à l’issue d’une période de transition de sept ans, Londres en revendiquant 60% sur une période de 3 ans, selon des sources européennes.
Pour le Premier ministre britannique Boris Johnson, les demandes européennes ne sont « pas raisonnables ».
Sur les deux autres sujets difficiles – la gouvernance du futur accord pour régler les différents et les conditions de concurrence loyale, les positions se sont en revanche rapprochées cette dernière semaine.
Les Européens réclament des garanties à Londres pour protéger leur immense marché d’une économie britannique dérégulée qui ne respecterait plus leurs normes environnementales, sociales ou fiscales ou en matière d’aide d’Etat.
Sans accord commercial, les échanges entre l’UE et Londres se feront selon les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), synonymes de droits de douane ou de quotas, avec de lourdes conséquences pour des économies déjà secouées par la pandémie.
Alors que les deux côtés de la Manche se préparent au retour des contrôles douaniers après la rupture, accord ou pas accord, un rapport parlementaire britannique a alerté sur une préparation insuffisante du Royaume-Uni, s’inquiétant des perturbations attendues dans les ports et des répercussions sur la sécurité.