Pour François Fillon, réussir à garder Matignon malgré le dédain de l’Elysée et l’effervescence des ambitions était une grande performance. Alors qu’il était enterré politiquement à six pieds sous terre, qu’on entonnait déjà le chant de sa retraite, il révéla une capacité manouvrière d’une grande efficacité.
Ses hommes ont travaillé aux corps le parti UMP et son puissant groupe parlementaire non
seulement pour rendre son renvoi impossible mais aussi pour barrer la route à toute alternative. Jean Louis Borloo, le premier prétendant à Matignon en paie le prix fort. Incontestable triomphe de François Fillon et défaite symbolique de Nicolas Sarkozy. D’habitude aussi dynamique qu’imprévisible, bouillant d’idées nouvelles et de projets ambitieux, le président de la République semble avoir calé sec pour trouver une alternative crédible à François Fillon. Il a dû se résigner, impuissant, à subir plutôt qu’à initier.
Au risque d’apparaître comme affaibli par son incapacité à trouver un autre Premier ministre que François Fillon, Nicolas Sarkozy a sans doute fait un autre calcul. S’il laissait son actuel Premier ministre dans la nature, la rancune au cœur, le désir de revanche au bout des lèvres, l’envie d’en découdre au bout des poings, il se crée un concurrent de taille à domicile pour 2012, surtout avec l’insolente popularité que lui accorde l’opinion. En gardant François Fillon et même sans le vouloir, les Conseils des ministres vont changer de tonalité et d’atmosphère, et la gouvernance Sarkozy d’allure. Logiquement, le Premier ministre, qui avait perdu tout crédit et toute autorité sur ses ministres et qui dans une posture de défiance permanente traitait leurs dossiers et autres doléances directement avec l’Elysée, devrait reprendre de l’influence. Logiquement, ayant renoncé à créer la surprise et le nouveau souffle par le biais de changement de Premier ministre, Nicolas Sarkozy devait tenter de se rattraper dans la formation du gouvernement.
La fin de l’ouverture à gauche, le recentrage sur l’UMP, le retour en première ligne de quelques poids lourds comme Alain Juppé. Mais quelle que soit la recette magique que Nicolas Sarkozy va employer pour doser son exécutif pour essayer de contenter les différentiels composantes de sa famille politique, il y a de fortes chances qu’il ne restera dans l’opinion que ce goût de promesses inachevées, de psychodrames surjoués pour aboutir à ne rien changer. Une situation qui se paie cash en termes de crédibilité.