L’affaiblissement de l’EI renforce le risque d’attentat en France (procureur)

L’affaiblissement de l’Etat islamique (EI) en Syrie et en Irak renforce le risque de nouveaux attentats en France, estime le procureur de la République de Paris François Molins dans une interview au Monde publiée vendredi, où il met en garde contre la menace du retour des combattants djihadistes.

Depuis les attentats de novembre 2015 à Paris revendiqués par l’EI, la France a intensifié ses opérations militaires contre l’organisation djihadiste en Irak et en Syrie au sein de la coalition internationale.

Emmenée par Washington, cette coalition, qui agit en appui aérien aux forces irakiennes et aux forces kurdes présentes sur le terrain, a permis de reprendre le contrôle de plusieurs villes tenues par les djihadistes.

"Paradoxalement, l’affaiblissement de l’Etat islamique en zone irako-syrienne constitue un facteur qui renforce le risque d’attentat", estime François Molins. "On voit bien dans l’histoire du terrorisme que quand les organisations terroristes sont en difficulté sur zone, elles recherchent l’occasion de commettre des attaques à l’extérieur."

"Le deuxième facteur inquiétant tient à ce qu’on pourrait appeler la menace du retour : on sera à un moment ou à un autre confronté au retour d’un grand nombre de combattants français et de leurs familles", ajoute-t-il.

A l’heure actuelle, quelque 2.000 Français ont rejoint les rangs djihadistes, sont en transit ou souhaitent se rendre en Syrie, selon le procureur de Paris. Sept cents sont "sur zone".

Au total, 982 personnes font ou ont fait l’objet d’enquêtes judiciaires pour du terrorisme islamiste : 280 sont aujourd’hui mis en examen, dont 167 sont en détention, et 577 font l’objet d’un mandat de recherche ou d’un mandat d’arrêt. "TROP SCRUPULEUX"

Sur le plan judiciaire, 59 femmes ont été mises en examen pour des faits de terrorisme, dont 18 sont détenues. Trente-cinq mineurs sont aujourd’hui mis en examen, dont neuf sont détenus.

"On a peut-être été trop scrupuleux au début en se disant que les femmes suivaient leur mari et se cantonnaient à des tâches ménagères en Syrie", estime François Molins. "Aujourd’hui, elles sont systématiquement interpellées à leur retour et placées en garde à vue."

"Sur les derniers mois, nous observons une accélération des dossiers de jeunes filles mineures, avec des profils très inquiétants, des personnalités très dures", ajoute-t-il. "Elles sont parfois à l’origine de projets terroristes qui, sur le plan intellectuel, commencent à être très aboutis."

Depuis fin avril, face à la multiplication des attentats, le parquet de Paris "raisonne différemment". Une loi prorogeant l’état d’urgence pour une durée de six mois et renforcement les dispositifs juridiques de lutte antiterroriste a été adoptée le 21 juillet.

"Nous considérons désormais comme participant à une association de malfaiteurs criminelle toutes les personnes parties sur zone depuis janvier 2015 ayant participé à des combats, des patrouilles ou à la police islamique avec l’EI ou le Front Al-Nosra, devenu Fatah Al-Sham", précise François Molins.

"Nous demandons aux juges d’instruction la requalification au criminel des procédures déjà ouvertes pour des personnes présentes après janvier 2015 en Syrie", ajoute-t-il. "A compter de cette date, plus personne ne peut en effet ignorer que ces organisations ont pour but de perpétrer des crimes.

François Molins juge par ailleurs "absolument impossible" le placement en rétention des personnes fichées "S" comme le préconisent plusieurs candidats à la primaire des Républicains dont l’ex-chef de l’Etat Nicolas Sarkozy.

"Il ne peut y avoir de détention préventive en dehors d’une procédure pénale", souligne le procureur. "C’est le socle de l’Etat de droit. On ne peut pas détenir quelqu’un avant qu’il ait commis une infraction."

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